25 MAI 1940. Une nouvelle journée se lève en ce lieu de crépuscule permanant. Je hais cette guerre à tel point que j’aimerais qu’on le grave en épitaphe sur ma tombe… Jusqu’ici, pour chaque balle que j’ai tirée dans le feu de l’action, j’ai volontairement manqué ma cible. J’espérais chaque fois que le tireur en face de moi ne manquerait pas la sienne, à savoir moi. Mais il faut croire que l’ennemi vise aussi mal que moi… ou peut-être manque-t-il sa cible parce qu’il pense précisément comme moi… Mourir en héros sans même avoir jamais tué personne… oui, c’est ça… Je crois que les gens qui pensent comme moi sont nombreux au casse-pipes. Mais tout comme moi, la plupart préfèrent la lâcheté du silence au courage de la désertion. Cette guerre sera interminable, car dirigée par des minables mégalomanes. Il n’est rien de pire qu’un minable mégalomane. Et ils sont si nombreux, cloîtrés dans leurs Q.G.’s, qu’il faudrait une armée entière comme peloton d’exécution pour les abattre tous d’une salve… J’espère que ces mots seront les derniers que j’écrirai dans ce journal. J’attends avec dégoût la balle qui me délivrera…