Le double fond

Le narrateur rencontre Estèle dans un bureau de traduction. Ce sera pour lui le début d'une obsession qui, après lui avoir fait connaître le bonheur absolu, le torturera jusque dans ses rêves... à elle et le poussera à inventer l'érographe. Tour à tour très près l'un de l'autre, puis très éloignés, ils partageront les mêmes passions - la littérature (surtout elle) et la musique (surtout lui) - et hanteront les mêmes espaces d'aujourd'hui - les rues de Bruxelles, ses appartements, ses librairies, ses salles de concert...

Fiche

Année
1997
Édition
L. Wilquin, Luce Wilquin

Extrait

Estèle était devenue ma vie. Elle prenait possession de mes nuits sans sommeil comme elle envahissait mes journées de travail. Je n'allais plus au bureau, j'allais voir Estèle. (...) La nouvelle a fait grand bruit au bureau. Paolo semble soucieux. Jérôme, Axel et Pierre nous observent l'oeil en coin, un léger sourire de commisération empreint de jalousie à fleur de lèvres. Et puis quoi! Nous avons bien le droit de nous aimer! Nous travaillons presque exclusivement ensemble. Je veux relire tous ses textes, vérifier son orthographe quelque fois hésitante, comprendre la moindre de ses virgules, deviner les volte-face de son esprit dans chaque choix de mots, sentir les formes de son corps dans chaque tour de phrase. Ses chiasmes sont les jambes qu'elle croise sous son bureau, ses métaphores évoquent le paysage varié de son doux visage, ses incises ses seins volontaires, ses envolées lyriques le chant de sa voix de sirène, ses synecdoques ses battements de cils frondeurs, ses anacoluthes ses brusques sautes d'humeur. Je veux la prendre par ce qu'elle a de plus précieux et de plus secret, plus encore que les multiples tours et détours de ce corps que je commence à connaître par coeur: je veux la lire dans ses traductions, la découvrir, la reconnaître.