Nues

Suivi de Sur le dessin

Nues est le journal d’un travail de plusieurs années : une séries de femmes peintes en pied, grandeur nature. Il y est question du corps, du regard et de la rencontre du peintre et de son modèle. Le texte est suivi de réflexions sur le dessin. Illustrations de l’auteur.

Dans Nues, la question centrale que l’écrivain Jacques Richard tente de cerner par l’écriture est celle du regard, qui transforme, par un processus dont le peintre Jacques Richard explore l’énigme, le réel en peinture, la réalité d’une femme nue, posant dans l’atelier du peintre, en tableau. Au fil des pages, Richard évoque l’histoire liée à chacun des tableaux, la manière dont le lien s’est établi entre les femmes nues et le peintre. La démarche de chacun d’entre elles, désignées par leur initiale, est singulière. De même que le regard et la « technique » du peintre qui consacre à chacune une manière de procéder différente: une ou plusieurs séances, des photographies de travail, des dessins préparatoires etc. Le plus surprenant dans ce témoignage qui constitue une véritable master class est la motivation des modèles à poser nues et l’intérêt qu’elles portent ensuite, ou pas, au tableau achevé.

Edmond Morrel

http://edmondmorrel.be/?p=3746

Voir aussi :

https://bx1.be/emission/lcr-jacques-richard-3/

https://le-carnet-et-les-instants.net/2020/11/28/richard-nues/

Fiche

Visuel
Vidéo
Images
Année
2020
Édition
Onlit - Mini
Distribution
Dilibel

Extrait

J’ai commencé à peindre une série de femmes il y a une dizaine d’années. Nues, en pied et grandeur nature. De face.

J’ai pensé à cela de temps à autre, pendant un an à peu près, sans commencer autrement. Il fallait que l’idée se développe, prenne assez de place pour se clarifier dans mon esprit, et se resserre ensuite pour pouvoir se matérialiser sur une toile.

Je ne pensais pas, d’abord, écrire sur le sujet. Parler de peinture n’a rien à voir avec peindre. Mais au jour le jour, les idées, les expériences, les réflexions qui traversent ordinairement l’esprit dans le courant d’un travail de peinture m’ont conduit à formuler ce qui se passe. Avec ces femmes tandis qu’elles posent. Ou pendant que je dessine et que je peins. Ou quand finit la séance. Quand le tableau est terminé. Peut-être cela vaut-il d’en garder trace.

J’utilise toujours une surface de mêmes dimensions, une toile de même qualité tendue sur un châssis. De la peinture à l’huile. Un travail d’un réalisme précis, mince et sans effets. Pas de gestes, quasi pas d’effets de « matière ». Pas d’expressionnisme non plus, ni de cet « hyperréalisme » qu’on veut parfois reconnaître hors de propos.

La personne est sans vêtements, dans une pose simple, où elle se sent bien. Pour mieux dire, où elle lâche prise. Où elle m’apparaît.

Pas de décor. Un fond blanc ou très clair, une ombre portée diffuse qui l’en détache et fait de la peinture autre chose qu’une image documentaire. C’est tout. Sans sécheresse, mais sans concessions. Certainement pas au goût, bon ou mauvais, ni à un « style » quel qu’il soit.  Pas de style. Pas neutre non plus, pas plat. Nu. Comme la femme devant moi. C’est le moins qui lui soit dû. Je pense que c’est ce qui devrait leur avoir toujours été dû, aux femmes que l’on peint, quelle que soit la manière : qu’à la nudité qu’elle montre réponde quelque chose du même ordre chez celui qui la peint. Une peinture nue. Aussi juste et sereine que j’en serai capable.

Il faudrait que j’en fasse plusieurs. Assez pour que m’apparaisse quelque chose qui réponde peut-être à ce que je cherche.