Le tunnel sous la Manche. Deux siècles de passion
Fiche
- Visuel
- Année
- 1994
- Édition
- Hachette Littératures, collection La vie quotidienne - L'Histoire en marche
Extrait
INTRODUCTION. Le berceau de cette étude est un long détroit d'eau grise, le pas de Calais, qui relie la Manche et la Mer du Nord. Ses deux rivages se regardent parfois à moins de 40 kilomètres de distance, entre les caps Dungeness et Gris-Nez. Derrière les façades littorales, deux mondes communiquent : l'île-mère de l'archipel britannique, et l'Europe continentale. Le pas de Calais les unit et les sépare, il est à la fois obstacle et passage, champ de bataille et base d'échanges. Le trafic maritime y est le plus dense du monde. Mais à plusieurs reprises, les armées d'invasion s'y sont arrêtées. Deux puissances s'y font face, deux nations et deux visions du monde. Les bouches du Rhin toutes proches renforcent la diffraction stratégique et les impulsions commerciales de cet espace où l'histoire se noue étroitement.
De chaque côté, les falaises crayeuses veinées de silex témoignent d'une ancienne continuité géologique. La submersion du pas de Calais est récente, des hommes en ont été les témoins. Les ossements des grands mammifères trouvés dans les dépôts pliocènes d'Angleterre orientale, les restes de mammouths du Pléistocène en Angleterre et en Irlande, attestent l'existence d'un passage terrestre jusqu'au cœur de l'ère quaternaire, 6 000 ans avant notre ère ! Le recul des glaciers, qui inaugure une phase de plus grande stabilité climatique sur la planète, donne à cette région du monde l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui et scelle le caractère insulaire de l'archipel britannique. Le pas de Calais résulte donc d'un affaissement, non d'une rupture. Aujourd'hui, les galeries forées dans la craie bleue cénomanienne par la société Eurotunnel tirent parti de la continuité des strates. Les hommes ont redonné aux deux rivages leur unité préglaciaire, le tunnel accompagne la géologie (...)