Les Secrets de Bart De Wever

Entre biographie et pamphlet, le livre part à la recherche de ce parti nationaliste dont les racines plongent à la fois dans le mouvement d’émancipation flamand et dans l’Ordre Nouveau, qui a tenté de le récupérer entre 1928 et 1945. Bart De Wever est non seulement petit-fils d’un petit collaborateur et fils d’un militant néofasciste, il en est aussi l’héritier idéologique. Mais qu’a-t-il fait de cet héritage ? Dans quelle mesure est-il capable de le débarrasser de sa poussière rancie et d’engager son parti dans une véritable évolution démocrate ? D’autant qu’il a continué à côtoyer et commémorer des personnalités qui ne le sont pas ? Des questions que Marcel Sel pose sans concessions et qui sont toujours d’actualité dix ans plus tard alors que la N-VA s'apprêt à entrer, pour la deuxième fois, dans un gouvernement fédéral.

Fiche

Visuel
Année
2011
Édition
Éditions de l'Arbre

Extrait

L’héritier

C’est un petit enfant de trois ans qui tient la main de son père. Ils sont entourés de plein d’autres gens, forts d’être ensemble. Bart est fier. Il manifeste. Un mot qu’il ne comprend pas, mais qui l’enivre. Manifester. C’est un mot de grand, et il est entouré de grands. C’est à peine s’il voit le ciel quand il lève la tête, tant les hommes et femmes qui l’entourent forment une foule dense qui marche en chœur. Au cœur de cette foule, il se sent protégé. Il est fort, pour la première fois. La veille, son père, Rik De Wever, lui a dit « demain, c’est un grand jour pour toi, Bartje. On va aller manifester pour notre pays. Ce sera ta première manifestation ! » Le petit Bart marche pour sa Nation pour la première fois, entouré d’autres gens qui marchent pour la même Nation, la même liberté. Pleins d’orgueil, de fierté. Il trottine entre les grands lions flamands, noirs sur fond jaune, qui flottent au-dessus des grandes personnes. Les lions, il croit les entendre rugir dans le magma de bruits de chaussures qui frappent le pavé tout autour de lui. Les lions, il le sait maintenant, ne sont pas ceux du pays qui s’appelle Belgique, mais bien ceux de la Republiek Vlaanderen (République de Flandre). On lui a expliqué la différence entre ce drapeau-là, indépendantiste, où le lion est tout noir, et le drapeau régional flamand, où il a des griffes et une langue rouges. Ceux autour de lui sont tous noirs. « Republiek Vlaanderen ! », scande-t-on autour de lui. « Walen Buiten ! » croit-il entendre. Puis, l’on entonne l’hymne. Le Vlaamse Leeuw. Ce qui sera son hymne pour plus tard, pour après, pour toujours. Le Lion flamand. Écrit en souvenir de la Bataille des Éperons d’or où les gueux flamands (mais aussi ceux de Namur, en Wallonie) écrasèrent les fiers chevaliers français. Le Lion flamand fut écrit au début du XIXe siècle, contre la France dont on pensait qu’elle voudrait, un jour, réannexer la Flandre. C’est un chant romantique, vibrant. Quand il l’entend, le petit Bart se sent emporté par son lyrisme un peu facile, mais puissant.

Ils ne le materont pas, le fier Lion flamand

Même s’ils menacent sa liberté de leurs entraves et hurlements

Ils ne le materont pas, tant que vivra un Flamand

Tant que le Lion peut griffer, tant qu’il aura des dents.