C'est trop beau ! trop ! Cinquante écrivains belges

Anthologie thématique

« C’est trop beau ! trop ! » écrivait Rimbaud dans Bruxelles, en juillet 1872 : « plates-bandes d’amarantes », « banc vert » et «diables bleus »… La Belgique plaît ! Diables bleus ou diables rouges, elle a tout pour plaire… Et pourtant la Belgique semble être un des seuls pays au monde qui boude sa littérature ! Même si, comme on l’a dit, « un écrivain sur deux est belge ». Et si l’on en croit Léopold Sédar Senghor, « la Belgique est le pays au monde qui compte le plus de poètes au kilomètre carré. » Il y a donc de quoi être fier ! Laissez-vous raconter Cinquante écrivains belges… Enfants de nos deux langues et de nos deux cultures, germanique et latine, « les pieds sur terre et la tête dans les nuages ». Tiraillés entre amour et rejet du pays. Ballottés entre soif d’émancipation et nécessité de reconnaissance par la France et la francophonie. Écartelés entre crainte de faire des « fautes » et désir de perfection langagière, jusqu’à « fransquillonner ». Cette anthologie thématique se veut avant tout originale. Notre approche des écrivains est subjective et nous croyons que c’est ce qui marque sa différence. Par ailleurs, les textes sont scandés d’illustrations et de références picturales, musicales et cinématographiques qui ouvriront à d’autres spécificités de notre culture belge. Enfin, pour les enseignants, un cahier pédagogique est disponible gracieusement sur simple demande.

Fiche

Visuel
Année
2015
Édition
Samsa

Extrait

AILLEURS

«Rêver un impossible rêve.                                                                          
(…)
Partir où  personne ne part » (Brel, La Quête)                                                                       

On dit de Simenon qu’il a su, mieux que quiconque,  dire la Belgique : ses ciels gris, ses pavés gras, ses matins tristes… Ainsi, dans Le Bourgmestre de Furnes (Partie 1, chapitre V) : « Jamais il n’avait tant plu. Les gouttes d’eau crépitaient sur les trottoirs comme des balles de celluloïd et de l’eau sortait de partout, des gouttières, des égouts, de dessous les portes, eût-on dit, formait des nappes dans lesquelles les autos s’engageaient prudemment. Pas de ciel, aucun fond à l’atmosphère, aucune couleur. Rien que de l’eau glacée. Des bonnes femmes troussaient haut leurs jupes et montraient leurs bas attachés par des cordons ; des parapluies devenaient flasques et suintaient par-dessous ; des visages comme en conserve, ternis, maussades, flottaient derrière les rideaux des maisons. » C’est pourtant le même Simenon qui décrit un « ailleurs » : « C’était un univers plus extraordinaire que celui qu’il avait rêvé, un univers rose et bleu, vert et doré, avec des tons qui n’avaient pas de nom, comme ceux qu’on voit à certains nacres. (…) Au bout du quai, des femmes accroupies tenaient un marché en plein air.  » (Touriste de bananes). Quand on sait qu’il existe un « univers rose et bleu, vert et doré », où l’on ne vit  qu’« en plein air », la Belgique - sans ciel, sans « aucune couleur », avec des habitants « comme en conserve » -  peut-elle nous retenir ? La tentation de  l’exil est forte… Déçus par ce pays où il  pleut autant sur les enthousiasmes que sur les trottoirs, Marcel Thiry, Henri Michaux, Georges Simenon, Paul Willems (chap. 8), Conrad Detrez (chap. 6), Jacques Crickillon (chap .10), William Cliff et Jacques Brel (chap. 1), prennent l’avion le ou bateau. Ainsi Théophile,  le héros des Mémoires d’Elseneur, de Frans Hellens (chap.9) , prend-il le large :  « Sur le point d’atteindre le pont, sans bagage, sans passé et encore sans avenir, j’aspirai, d’une large envergure, l’air nouveau, essuyant mes ailes, et tournai les yeux vers la ville. Il n’en subsistait qu’une tour, tout le reste noyé dans le brouillard et les fumées. » (Livre 1, chapitre 28). Loin là-bas, peut-être que « gémir n’est pas de mise » puisque enfin « le temps s’immobilise ». (Brel, Les Marquises, 1977)