Des lilas des orages
Poésie
Aujourd’hui, chez SAMSA, Pascale Toussaint nous fait la surprise d’un recueil de poèmes paru sous le titre Des lilas et des orages, titre qui est aussi un vers d’un des plus beaux textes du recueil, un poème en hommage à quelques chansons françaises se déployant sous le premier vers /On connaît la chanson/. Un très beau poème d’amour, dont on se dit qu’il ferait lui-même une chanson idéale.Ce n’est d’ailleurs pas le seul texte de ce recueil qui nous a inspiré une vocation identique, celle de se transformer en chanson. En effet, la plupart des poèmes de Pascale Toussaint ont cette rigueur formelle à laquelle se contraignent les auteurs qui savent toute la puissance créatrice que l’exigence prosodique développe. Par ailleurs, les poèmes de Pascale Toussaint sont construits dans le souci de raconter, de nous faire à chaque poème, un récit court . Il y a des portraits de jardin, de sensations , de parfums (en particulier du lilas qui nous vaut un texte d’une rare incandescence sur la mémoire des couleurs et des parfums du lilas pourtant tellement éphémère), d’hommes et de femmes et d’enfants saisis dans un instant de grâce (comme cette « Madame de l’Accueil » dont la bonté nous semble de toute éternité) ou de détresse. Il y a aussi l’évocation poignante d’une femme, Elle aura nonante ans au début de l’été/Je dis ça au moment / Où le printemps explose(…) De vibrantes images du grand âge en ces temps si cruels pour les aînés éclairent d’une lumière diaphane ce poème dédié à la mère de l’écrivain.
On pourrait en citer encore et encore, tant le livre est inépuisable: ainsi, cette belle manière de dire le fragile coquelicot entre les mains d’un enfant, ou la rupture d’un couple ou encore la solitude de la femme qui se croit laide. Mais le mieux ne serait-il pas de franchir la porte d’une librairie et d’acheter deux exemplaires du livre: le premier que vous conserverez précieusement pour le relire et l’annoter, et le lire à voix haute ou encore, si vous en avez la voix, le chantonner; le second pour l’offrir à une « Madame de l’Accueil », à une aînée, à la bibliothèque d’une école ou d’une maison de retraite. Chacun, quel que soit son âge, y trouvera le bonheur renouvelé de la poésie, dont ce premier recueil est aussi une promesse, celle des livres à venir que nous attendons déjà avec impatience.
Jean Jauniaux, le 4 mars 2021.
Fiche
- Visuel
- Année
- 2021
- Édition
- Samsa
Extrait
Qu’ils poussent dans les champs
Au milieu des blés mûrs
Ou sur les bords venteux
Du canal de la route
A côté de l’usine
D’un quai désaffecté
Plaines bois terrains vagues
Coquelicots partout
Illuminent d’orange
D’un vif inimitable
Le rouge de Monet
Il y faut pour le rendre
Le vent la transparence
Et la contemplation
Comme les grands l’enfant
Attiré par son feu
Veut le coquelicot
Dans sa petite main
Aussitôt pris s’éteint
Et ça le fait pleurer
Il ne s’est pas brûlé
Les fleurs ne brûlent pas
Il a compris l’enfant
Que le besoin de prendre
Et de s’approprier
Ne le contente pas
Il s’assied et regarde
L’horizon jusqu’au soir
Quand le soleil couchant
Vole au coquelicot
Sa flamme il est heureux