Rions, il pleut
Lisons le belge
Oh quel plaisir !
Préface
Rares sont les auteurs (et les autrices, bien sûr) qui préfèrent parler des autres que d’eux-mêmes. Qui éprouvent une joie réelle à mettre leurs pairs en avant, à les lire vraiment, et à les aimer sans réserve. Pascale Toussaint fait partie de ce minuscule cénacle.
Après une première anthologie également consacrée aux auteurs de chez nous, et dont la vocation pédagogique était plus clairement affichée, la voici de retour, pour une promenade légère et amusée dans sa bibliothèque où la littérature belge règne en joyeuse maîtresse.
Un choix éclairé de 52 écrivains, vivants ou morts. Poètes, gens de théâtre, romanciers, chanteurs… Quelques Flamands. L’esprit belge d’entrée de jeu, où l’humour, noir ou pas, rejoint parfois la tragédie.
Pas de chronologie, pas de contraintes, seul le plaisir, et le désir de donner la part belle aux femmes. Jacqueline Harpman, Elisa Brune, Amélie Nothomb, Corinne Hoex… Pascale Toussaint choisit celles et ceux qu’elle aime, les glisse dans des chapitres qui sont autant de libertés prises : « Cocasseries », « Caricatures », « Babeluttes », « Dérapages »… Pas toujours simple de définir les formes littéraires qui conviennent à telle ou telle appellation. Mais là encore, c’est un jeu dont elle fait absolument ce qu’elle veut.
La littérature belge se prête volontiers à la lecture d’extraits. Et si Pascale Toussaint a d’abord tenté d’entourer ces derniers d’introductions explicatives, elle a très vite choisi de laisser de côté ses outils de romaniste, pour s’en tenir aux textes, souvent jubilatoires, et aux commentaires qu’elle distille avec finesse, intelligence, et autant de légèreté que la plupart des extraits choisis. Ça se lit tout seul. Ça se mange sans faim. Ça se déguste à la belge.
À l’heure où la littérature de notre pays est plus que jamais en souffrance, à l’heure où éditeurs et auteurs s’interrogent sur leurs raisons d’être, et de poursuivre un chemin si étroit et épineux, cette anthologie libre et joyeuse ne pouvait pas mieux tomber, au point de se muer en nécessité. Elle réunit dans un même élan les morts et les vivants, un passé parfois glorieux et un présent qui nous rappelle - oh quel plaisir ! - combien nous sommes désirables.
Ariane Le Fort
Fiche
- Visuel
- Année
- 2024
- Édition
- Samsa
Extrait
En route pour l’arc-en-ciel
Qui luit au fond de la glaise.
Et Pascale Toussaint d’emboîter le pas à Norge pour, à son tour, remuer ciel et terre. Car l’arc-en-ciel du sourire c’est bien au fond de la glaise ou derrière un rideau de pluie qu’il nous faut aller le chercher.
En cinq parties, dont les titres allument autant de facettes de cet humour mi-figue mi-raisin qui est devenu une sorte de label, elle nous offre cinquante-deux pépites de notre littérature noir-jaune-rouge.
Rire ? Parfois.
Sourire ? Souvent.
Sentir, toujours, à la lecture de ces pages, même les plus ironiques, décalées, cruelles, la chaleur retrouvée d’un vêtement familier.
Une anthologie ? Plutôt un florilège. Mieux : un chemin, des sentiers de traverse, de travers, un peu biscornus, le long desquels l’auteure nous emmène en promenade pour nous rappeler l’extraordinaire talent de ses confrères. Car la romancière qu’elle est prend alors la place de la philologue pour nous faire (re)découvrir de l’intérieur ces textes inattendus, inouïs, inédits pour certains, et qu’on croit connaître déjà parce ce sont les nôtres. Parce qu’ils expriment, le temps d’un sourire, la grandeur de nos petitesses et nous rappellent avec Louis Scutenaire, qu’il faut regarder la vie en farce !
Le livre fermé, on n’a qu’une envie : lire les écrivains qui le composent.