Dag Jan!

Publié le  23.05.2011

Je lui avais pourtant dit et répété : « Faut choisir chéri, les peintures de Marco Taillebuis dans l’église de Ramillies ; l’Opéra de Purcell le long des quais du canal de Willebroek-Charleroi ; Die Entführung aus dem Serai avec Thomas Blondelle (deuxième prix du Concours Reine Elisabeth 2011) dans le rôle de Belmonte, aux Palais des Beaux-arts ; la suite du feuilleton DSK à la télé ou la Coupe de Belgique retransmise sur écran géant dans la cité ardente… » Ah l’offre culturelle ! Considérable dans un champ déjà considérablement encombré. Au mois de mai, à Bruxelles, les petites, moyennes et grandes compagnies n’ont d’autre choix, pour s’assurer un peu de public, que d’attendre la fin du mois ou de s’associer au Kunst – ou plutôt tenter de l’être, car on se bouscule aux portillons.

Chéri, en bon boulimique culturel, a dit : « Tout, je veux tout ! ». Résultat, aux 51minutes de route annoncées se sont ajoutés les 30 minutes de ralentissements sur l’E411, la voiture sur le toit et le conducteur fantôme… Il a voulu voir Purcell, il a vu Taillebuis. Il a voulu voir Blondelle, il a vu Taillebuis. Heureusement, la tête à l’envers attendant les secours, dans la voiture, on a pu suivre, en direct, le feuilleton DSK et la victoire du Standard à la Coupe de Belgique après 18 ans pour la sixième fois. Et moi, moi, je ne voulais voir que Purcell. Me suis contentée des « Ah, tu as raté quelque chose ! C’était pur, essentiel… Un débutant n’aurait pas osé, un routier de l’opéra non plus. Il fallait la puissance d’un Jan Decorte, le père du théâtre flamand contemporain, doublée d’un brin d’inconscience pour se risquer à ce Dido and Aeneas de Purcell, si court, si dense, si émotionnel que la plupart des metteurs en scène manquent leur but »[1] . Ah, je savais que je raterais « l’essentiel » de Jan Decorte. Mais le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire. Oh oui, je voulais voir Decorte ailleurs que dans le son « Stam café [2] », Le Daringman. Le Daringman, un café bruxellois remplis d’artistes et non des moindres : « Le père du théâtre flamand » y côtoie « un des interprètes les plus bouleversants du paysage musical européen », Arno. Le voir autrement qu’accroché à sa muse, Sigrid Vinks, son petit Cupidon, maîtresse de cérémonie en scène, et de ses mouvements au sortir du café. Jan hurlant son « Dag mensen ! » et les clients de répondre, en chœur s’il vous plaît, « Dag Jan ! ».

 

[1] Pour le coup, je ne retrouve même plus les références.

[2] Son quartier général.

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