Un tête-à-tête
La journée est belle comme l'été, une paume se glisse dans une main, le vent démêle les chevelures, un baiser se pose sur un front ou dans le creux du cou. Des éclats de rire ruissellent le long de la rivière qui accueille les ricochets et les cannes à pêche. On court se réfugier sous la tonnelle d'une auberge au bord de l'eau, et l'on cherche sur la carte le vin blanc et la truite au bleu.
Tout semble si haut dans le ciel, et si clair sur la rivière où roulent les fastes de midi que chacun se voit, comme jamais, le regard rincé, doublement neuf.
Frais entre les doigts, couleur de blé, les verres sont des calices ; et la carte rehaussée d'or, le sel, le pain dans le panier, tout tremble d'une vie secrète, tandis qu'elle est là, comme dans un roman, le sourire aux lèvres et l'œil qui dit tant de choses.
Cette femme, on la connaît jour après jour, de l'automne au printemps. Mais c'est aujourd'hui - alors qu'une pirogue et un oiseau fendent le ciel fluide - que ses yeux, ses sourcils se détachent dans la transparence de l'air.
On dira que plus rien n'existe, soudain, mis à part ce visage du dimanche, trempé de lumière, et si limpide, si doucement lui-même qu'il serre le cœur, à en mourir.
Le monde est une offrande, à portée de la main, qui ronronne comme un chat ; la jolie fiancée donne tant de cette vie qui manque à la vie.
Les paroles frémissent comme des coquelicots, deux avions croisent leurs longues traînes dans l'azur. Certains y verraient un signe, une prémonition ; et les mots anciens de former une gerbe de fleurs nouvelles.
La femme laisse couler un aveu au bord de ses lèvres ; puis un sourire d'avant; et c'est un papillon qui se pose sur le rebord embué de la bouteille; jaune et pailleté, il applaudit la tranche de citron dont on se lave les mains.
Le soleil acide perce le vitrail de vin blanc.
La joie, c'était votre visage au cœur de l'été.