On vous aura prévenus

Publié le  07.01.2013

Le premier livre que j'ai publié m'a fâchée avec ma mère : six mois sans un mot, absolu silence radio, dîner de Noël glacial et gâché. J'avais pourtant tenté de la prévenir : « tu sais maman c'est de la fiction, une métaphore, de la littérature ! ».
Le deuxième m'a durablement brouillée avec un amant qui s'y est reconnu alors que ce n'était même pas lui. Mon ex-mari, par contre, que je m'étais amusée à étriller au passage, n'a rien vu et s'est réjoui du (modeste) succès de l'ouvrage, qu'il s'est empressé de distribuer à la ronde.

Pour le troisième, mon compagnon va en baver -  et regretter, sans doute, ses confidences sur l'oreiller.

Dans le quatrième, ma meilleure amie ne le sait pas encore mais elle va crever bientôt, d'une overdose solitaire, affublée d'un prénom ridicule et de cinquante kilos supplémentaires.

À mes enfants, j'ai déconseillé la lecture de mes livres (pas le moment mes chéris… un peu compliqué… quand vous serez plus grands…), espérant leur offrir, pour quelques temps encore, l'image d'une maman qui épluche les légumes et signe les bulletins plutôt que celle d'une Médée pornographe.

Sur le ton de la plaisanterie, j'ai averti mon entourage : vous savez ce qu'on dit, un écrivain, c'est un vampire, etc etc. On est là ensemble, tranquillement, mais moi sournoisement, les crocs dans votre jugulaire, je vous pompe l'air et le sang. Et d'ailleurs vous aussi, passagers du « 38 Héros », collègues de bureau, amis, parents, ombres dans les rues et inconnus du journal, tous, on vous aura prévenus : si vous entrez dans mon périmètre, c'est à vos risques et périls. Vous n'avez pas fait gaffe ? Tant pis pour vous. Ici c'est propriété privée, barbelés, chien méchant.

Au sein de mon royaume de plume, je dézingue, je balance, je baise, je tue. C'est moi la reine et il n'y a pas de flics. Si j'ai envie de me promener nue, de mettre une perruque blonde ou un nez rouge, je ne vais pas me gêner.

J'ai beaucoup réfléchi sur ce que je devais aux miens en matière de discrétion, de retenue, de contrôle.
Et j'ai fini par conclure : rien.

À découvrir aussi

Where I am - Focus Hong Kong

  • Fiction
Dans le cadre du Focus consacré à la scène belge au Hong Kong Arts Centre (en collaboration avec Wallonie-Bruxelles Théâtre/Danse), Sylvia Botella nous envoie des billets-haïkus en direct (ou presque)...

Muses - « Sept ans »

  • Fiction
Il a crié vers le ciel : - J’ai sept ans ! Ok ? Sept ans ! Puis il s’est tu, le temps que cela devienne vrai en lui. Mais dans la profondeur d’une goutte d’eau. Hier soir, une amie lui a dit regarde, ...

Et vous, que ferez-vous le 30 janvier 2012 ?

  • Fiction
Je m'interroge à présent sur cet évènement qui, pour une fois, nous est annoncé suffisamment à l'avance pour que chacun puisse s'organiser en fonction, à savoir: la grève du 30 janvier 2012.