Sur rien mes lèvres
Sur rien mes lèvres tente de marquer une certaine inadéquation de l’être au monde. Qu’il s’agisse de nous reconnaître une place qui ne soit pas usurpée, de prendre un départ qui ne soit pas une fuite devant la chosification de notre vie matérielle. De dire le corps en creux avide encore, la perte et sa douleur ou l’opacité de ce miroir désolé que nous tend l’autre sur notre absence à nous-mêmes. Inadaptés au lieu, inaptes à l’autre et séquestrés dans la parole qui est le bruissement de notre espèce. C’est aller nus dans le noir. Reste le poème. Pas le vent de ce qu’on voulait dire, mais la nécessité des failles que les mots maintiennent béantes et du silence auquel ils exhortent.
Voir aussi Le Carnet et les Instants, article de R. Demaeseneer
Extrait
Mais pas sans toi
oh pas sans toi
elle ne sait pas
ce que c’est toi
elle ne sait pas
que tu es tout
que prendre l’un
c’est prendre l’autre
la mort ne sait
rien d’autre qu’elle
le soleil pend
seul sur la rue
tout est parti
le vent de ce
qu’on voulait dire
ton ombre aussi
la mienne traîne
encore un peu
mais pas sans toi
oh pas sans toi