Sur rien mes lèvres
Sur rien mes lèvres tente de marquer une certaine inadéquation de l’être au monde. Qu’il s’agisse de nous reconnaître une place qui ne soit pas usurpée, de prendre un départ qui ne soit pas une fuite devant la chosification de notre vie matérielle. De dire le corps en creux avide encore, la perte et sa douleur ou l’opacité de ce miroir désolé que nous tend l’autre sur notre absence à nous-mêmes. Inadaptés au lieu, inaptes à l’autre et séquestrés dans la parole qui est le bruissement de notre espèce. C’est aller nus dans le noir. Reste le poème. Pas le vent de ce qu’on voulait dire, mais la nécessité des failles que les mots maintiennent béantes et du silence auquel ils exhortent.
Voir aussi Le Carnet et les Instants, recension de R. Demaeseneer
Finaliste du Grand Prix de poésie 2022 de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
Extrait
Cendre que tu es cendres
dans le gazon fondu
tu es cendre fondue
ton sourire tes yeux
qui pleuvaient jour à jour
qui répétaient le ciel
l’herbe plus verte ici
et récitaient là-bas
où c’était oh c’était
cendre que tu es cendre
tu coules en rigoles
entre les pieds des gens
goutte à goutte passant
théorie rouge et bleue
et rose et blonde et brune
étirée moi à moi
qui pleuvent jour à jour
musique noire musique
moire du terme échu
mélangée nuit à nuit
à ta cendre fondue
ton sourire tes yeux