Comme un enfant dans le noir

Publié le  02.04.2013

« Pas de psychologie, pas de mise en place, pas de répétition, pas d'axe lumière, pas de combo, oublier la notion de scène, etc.... ». Tandis qu'il explique sa façon de faire des films, voila qu'en quelques mots Philippe Grandrieux balaie d'un revers de main toutes ces règles qu'un étudiant-réalisateur apprend méthodiquement dans une école de cinéma*. Durant la préparation d'un film,  Philippe Grandrieux est soucieux de communiquer ses intentions de long en large à ses collaborateurs, mais une fois que le tournage commence, il ne dit mot. Nul besoin de commenter la chose en train de se faire. L'équipe doit le suivre, c'est tout. Il laisse une grande part de liberté à ses acteurs, à qui il refuse d'imposer tout parcours balisé. Sans prévenir, l'acteur peut décider de se mettre de face comme de dos, de déambuler ou de rester immobile etc... Des choses très différentes et même très contradictoires peuvent surgir d'une prise à l'autre. A Marc Barbé, l'acteur principal de son film « Sombre », le réalisateur a simplement demandé de s'inspirer des regards levés vers le ciel dans la peinture du Greco. Philippe Grandrieux vit le tournage comme une performance physique. Filmant lui-même, caméra à l'épaule, il est là avec son acteur, épousant le moindre de ses gestes et de ses expressions. C'est pourquoi il ne veut surtout pas se plier aux contraintes d'un axe lumière. C'est sa relation aux êtres et aux choses qui prime. Lorsqu'il filme, il refuse de reproduire fidèlement les scènes de son scénario. Il capte le vivant. Car le film est essentiellement un matériel vivant. Le scénario sert avant tout à créer le paysage mental au sein duquel il se sentira libre de naviguer au moment du tournage.
Le plus important pour un réalisateur, c'est de parvenir à épouser son propre rythme intérieur. Etre avec soi. Etre dans les choses. Il doit être là, totalement, avec ses doutes, ses craintes, ses désirs... Visiblement heureux de transmettre, Philippe Grandrieux a étayé ses convictions ainsi : « Le réalisateur doit avancer dans le film, comme l'enfant à tâtons dans le noir, vivant pleinement l'instant sans forcément en comprendre tous les tenants et les aboutissants ».

 

*Propos de Philippe Grandrieux recueillis lors d'un masterclass à l'école Sint-Lukas, organisé par le Festival Courtisane.

À découvrir aussi

  • Écrit
femme avec cheveux bouclés bruns penchant la tête sur le côté devant poiriers

Gilda dentata : texte de Marine Forestier

  • Fiction
Pour le feuilleton estival de Bela, Marine Forestier a écrit une nouvelle de science-fiction qui parle de chirurgie dentaire à suspense.

Un séjour à Anvers #4 : Antiek

  • Fiction
C'est une petite boîte en verre cerclée de plomb dans la pâte des éclats verts et roses, comment fait-on pour être aussi lisse dehors rugueux dedans et certainement fragile encore Un vieux et une viei...

Tongs

  • Fiction
Il n'est pas rare que l'on nous demande, à nous les écrivains, quel est notre outil de travail. Pour ma part, j'ai souvent envie de répondre que j'écris avec les pieds…   4-  Tongs

La mémoire courte

  • Fiction
Les parents de Laura ont égaré le véritable prénom de leur fille. Les syllabes «Lau » et « ra »  n'ont pas eu le temps de rester ensemble sur le bord de leurs lèvres, le jour de sa naissance. L'é...