Deux notes conséquentes à « Big Bang » de Philippe Quesne
1. Après le succès de « La Mélancolie des dragons », Quesne semble radicaliser son écriture scénique (je m'avance un peu, je n'ai pas vu ses spectacles antérieurs). Sa bande de potes faussement désinvoltes se servent aujourd'hui du prétexte thématique de « l'évolution » pour construire à partir de trois fois rien de très belles et très grandes images. Douze canoës gonflables, quelques branches, un peu de flotte, des toiles de plastique, quelques fourrures et notre attente spectatorielle sans cesse titillée. Si le dilettantisme apparent des gaillards à l'œuvre trouble encore, on le sent moins en lien direct avec le propos que dans le spectacle précédent. C'est beau, ça fonctionne, mais ça n'a pas la même puissance d'évidence.
2. Suite à mon billet d'hier, Antoine Pickels me répond ceci sur Twitter : « le critique lambda ne dit pas "je ne comprends pas" mais: je ne ressens rien = c'est hermétique = c'est mauvais. Nuance. » et je me dis que c'est aussi le mécanisme qui opère chez les spectateurs qui ressentent le besoin de huer comme des veaux à la fin de « Big Bang ». Si je reconnais à chacun le droit de refuser la proposition artistique de Quesne et si je comprends parfaitement que l'attente suscitée par la Mélancolie des dragons ait pu être déçue, cette négation grossière du travail plastique et narratif accompli me sidère. Dans quel autre discipline artistique le spectateur se déchaîne-t-il de la sorte ? Hue-t-on à un concert de musique contemporaine ? Hue-t-on aux vernissages ? Mon malaise vient justement de la conviction qu'on ne hue pas à Avignon parce qu'on désapprouve fondamentalement le spectacle mais parce que, comme le note Antoine Pickels dans son tweet, on considère comme hermétique, donc mauvais, ce qui nous laisse indifférent.