Et boum !
Reconstitution (imaginaire) de la scène.
Youssouf, quel que soit son nom, en a terminé avec ses préparatifs. Il est conscient de l'importance du moment. Il passe les mains délicatement sur le tissu de son kamiss blanc, comme pour en parfaire l'ajustement, frôlant avec attention l'engin qu'il porte contre son ventre. Les gestes, même inutiles, font partie du rituel. Avec la même solennité, Youssouf caresse sa barbe de jeune combattant. Il se tourne vers son chef. Lui qui l'a choisi, entraîné, éveillé à son destin. Omar, appelons-le ainsi, reste impavide, puis acquiesce légèrement de la tête. Place à l'action, à présent. Ils sortent tous les deux de la maisonnette de brique et de torchis, Youssouf le premier. C'est peu de dire qu'il a l'air heureux. Il contemple le ciel, tâche de retenir ses larmes. L'émotion est vive. Aussitôt, dehors, on accourt, mitraillette à la main. Un cercle se forme, lui au centre. Le voilà acclamé avec des hurlements. Des coups de feu sont tirés vers l'azur serein.
Arrive le moment du départ. Tous font silence. Omar ouvre grand ses bras à Youssouf. Etreinte franche et virile. Instant suprême et incontournable. Le futur martyr ressent au plus profond de lui le lien qui l'unit au groupe, au chef, à la cause et à Dieu.
Et c'est là que...
Le mélange était-il instable à la chaleur ? Les embrassades trop brusques? Youssouf a-t-il voulu s'assurer que le détonateur était bien en place et l'a-t-il actionné par mégarde ? On ne le saura jamais... Car, boum !, le chapelet des bâtons verdâtres hérissés de fils électriques a volé en éclats. Plus tôt que prévu. Fini le Jihad ! Adieu aux 72 vierges aux yeux noirs qui l'attendaient dans le ciel ! Il n'y aura pas d'attentat suicide signé Youssouf. Ce jour-là, les soldats de l'OTAN auront été épargnés et le bain de sang provoqué ne fera rayonner la gloire de personne.
A lire à ce propos l'article fort instructif de Daniel Byman et Christian Fair sur le site de The Atlantic: « Toutes les bonnes raisons pour les appeler des idiots ». Où l'on apprend que les terroristes islamistes loin d'être des hommes d'action hyper-compétents dans leur domaine sont souvent de parfaits incapables. Les pires d'entre tous seraient les Talibans. Au moins une fois sur deux (!), ils ne réussissent qu'à se tuer eux-mêmes. Même plus : très souvent, ils ne parviennent pas à sortir vivants de leur camp d'entraînement. La cérémonie des adieux virils avant le combat a tant d'importance qu'ils en oublient le risque qu'elle comporte dans leur situation.
Leur ridicule, à défaut de les rendre moins méchants, les fait devenir sans doute plus humains...