Nothing came come of nothing

Publié le  26.05.2011

 

 

L'enjeu derrière ces billets (ceux que j'écris ici) est le suivant : partir du spectacle vu pour essayer de parler du théâtre. Parfois, il n'y a pas à se gratter les trois cheveux qui me restent : le spectacle vu pose explicitement, implicitement, une, des, question-s, incontournable-s à mes yeux, dont il est impossible de ne pas parler. Parfois, alors, des billets potables émergent ; parfois pas. Parfois, aussi, le spectacle, bon, mauvais, réussi, raté, ne me livre pas sa, ses, question-s sur un plateau, ni sur le trottoir, ni quand je m'installe face au clavier. Dire qu'il m'a semblé bon, mauvais, réussi, raté me semble alors trop peu, stérile, tout le monde s'en fout, moi le premier. Alors peut-être se taire.

 

J'ai vu deux spectacles récemment au Kunstenfestivaldesarts.

 

Le premier, "Yume no shiro" ("Castle of dreams"), de Daisuke Miura, appartient à la catégorie de ceux qui (me) questionnent. Violemment. Moi qui suis si peu sensible aux naturalismes de tous poils (au théâtre du moins), j'avoue avoir été totalement décontenancé par cette démarche aux accents documentaires qui consiste à observer en voyeur le minuscule intérieur de huit jeunes colocataires japonais, durant vingt-quatre heures synthétisées en cinq moments-clés. Naturalisme du décor (un studio de six mètres sur quatre à peine) et naturalisme des actions (baise, télé, baise, jeu vidéo, baise, chiottes, baise, bouffe, baise, drogue) mais écriture scénique pointue : mouvements lents et chorégraphiés, puis violents et anarchiques, pas un mot prononcé. Et surtout : simultanéité permanente des actions, obligeant le spectateur à choisir lequel des huit protagonistes il observe, construisant son propre spectacle selon le zapping intuitif composé au fil de la représentation. Paradoxe dramaturgique déstabilisant et stimulant : le rapport salle / scène est donc au cœur de ce dispositif qui pourtant assume d'un bout à l'autre un épais et solide quatrième mur. À tel point que l'ultime image du spectacle est créée à partir du départ réel des spectateurs longeant la scène, instantanément métamorphosés malgré eux en passants longeant sur un trottoir tokyoïte l'appartement observé une heure trente durant. Le temps de construire avec méthode et minutie un contrepoint transgressif à l'imagerie dominante : ces jeunes japonais sont aux antipodes du cliché cravate-discipline et une noirceur rageuse d'une rare puissance se dégage de l'ensemble.

 

Le second, "You've changed", de Thomas Hauert, appartient à la catégorie de ceux qui ne (me) questionnent pas. Comme dans "Castle of dreams", il y a trois femmes et cinq hommes sur la scène. Mais, ce détail mis à part, je n'ai strictement rien à ajouter et, comme dirait l'autre, « Rien ne peut sortir de rien ».

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