J'ai toujours détesté les repas de famille

Publié le  10.08.2013

Comme tu es bien comme ça.

Tu trouves ?

Oui, oui. Ça te va terriblement bien

Tu as maigri, non ?

Non

Moi, je ne fais plus que 59 kg

Bonsoir !

Bonsoir !

Oh qu'elle a changé, elle est belle

Hello ! Ça y est j'ai signé les amis ! Je suis propriétaire pour la troisième fois. Une affaire en or. Je les ai tous eus. Un taux comme personne ne peut encore en avoir en ce moment, même le directeur de l'agence est perplexe. Je crois que l'employée de l'agence qui s'occupait de mon dossier est tombée amoureuse de moi.

Normale, tu abuses toujours de tes charmes.

Quel charme ?

Oh ça va

Des bulles ?

Évidemment

Des bulles

Volontiers

Avec plaisir

Pas de refus

 

Ça me rend malade

Quoi ?

Tout ce qui se dit en ce moment

Oh ça va, tu ne vas pas remettre ça

On s'endort

Mais ça n'a rien à voir

Si ça a à voir, on pense qu'à sa gueule. On s'en fout de ceux qui suivront. On fait grève pour nos pensions alors que nos enfants n'auront plus rien. Arrêtez de me faire chier avec vos pensions les gars. La pension, c'est la mort. Vous vous faites chier dans vos bureaux à longueur de journée pour compter chaque jour qui vous rapproche un peu plus de votre mort. Quelle bande de cons vous faites.

Mais calme-toi, on t'a rien fait quand même

Ça me déprime, tout le monde s'en fout de tout le monde. Chacun son petit commentaire à la con sur sa petite vie on compte ses petits sous et ce qu'on pourra acheter demain et faire un petit resto minable alors qu'on sait mieux le faire à la maison avec trois fois rien.

Mais enfin tout se passait bien jusque-là

Si papa était encore là, il serait d'accord avec moi

Mais avec quoi tu viens ? Tu fantasmes. Il ne serait même pas venu à ce réveillon. Il serait allé voir l'une ou l'autre de ses maîtresses et on serait restés devant la télé à reluquer la revue du Lido 

J'aime ça moi, les revues du Lido, pas toi ?

Il avait bien raison plutôt que d'entendre vos conneries sur rien

Vous ne pouvez pas faire un peu de moins bruit, j'ai mon bébé qui dort moi. Et arrête de boire toi. Tu crois que je ne t'ai pas vu tourner autour de ma tante. Vieux vicelard.

Moi ?

Oui, toi. Oh après tout je m'en fous.

Non, mais j'y crois pas. On peut plus dire ce qu'on pense ici. Je vous parle de la crise, des pensions, des chômeurs et puis on finit par parler de mon cul. Non mais j'y crois pas. Restez aveugles bande de nazes.

Mais enfin tout se passait bien pourtant. Tu as trop bu voilà ce qui se passe.

Mais non j'ai pas trop bu avec quoi tu viens maintenant. Moi aussi je suis chômeuse, de longue durée et je n'ai pas de mari pour m'acheter une belle maison, une belle auto et des vacances au soleil. Je baise. Ça oui, je baise bien et c'est tant mieux, ça me permet d'oublier que vous arrêtez pas de me parler de votre fric pourri que vous protégez comme des fauves. Votre bébé là, il aura plus rien lui ni chômage ni pension. Et peut-être plus de père bientôt à voir comment votre couple se dégrade. Si t'arrêtais de le faire chier et que tu baisais un peu plus tu parlerais plus de tes kilos en trop aussi. Oh puis merde ça sert à rien que je m'esclaffe dans le vide. On est trop différents. Moi j'aime ce que je fais et vous, vous prenez votre ennui comme une fatalité.

Mais je ne comprends rien. Tout se passait bien pourtant. Pourquoi tu lui as rempli son verre comme ça toi. Tu sais bien qu'elle est fragile. Tous les ans, ça se termine comme ça. L'année dernière c'était sur l'inégalité des salaires entre hommes et femmes. Cette année, c'est ça, l'année prochaine ce sera sur tous ces mecs qui promettent amour à vie et qui se cassent à la première occasion.

Maman tu projettes, tu ne crois pas ? Les hommes ne sont plus comme ça, ce sont les nanas qui font ça maintenant. Je ne me laisserai pas avoir comme toi ! D'ailleurs, maintenant quand je baise, j'ai décidé de me faire payer ! Y a pas de raison. Au moins, ça arrondit mes fins de moi. Escort girl, c'est chic.

(Une petite fille navigue seule sur le net)

Tu pourrais te respecter un peu. Non ? Et Octave, tu crois pas qu'il en a déjà assez vu comme ça. Tu vas finir par le tuer une bonne fois. C'est ça que tu veux laisser à ta fille ?

Il aurait dû faire gaffe. Penser à moi. J'aurais aimé moi qu'on me fasse voler pour passer la porte du foyer conjugal comme on porte une princesse le jour de son mariage. Un vieux résidu des conneries que tu me faisais regarder à la télé. Il n'a rien fait. Rien de surprenant.

Elle me désespère. Faites-la sortir. Elle est trop compliquée. Je n'en peux plus. Cette fois, ça suffit. Tu ne gâcheras plus nos repas de famille, je te le promets, je ne te laisserai plus faire. Crois-moi.

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