L’art, c’est le vol
Quand on parle « d’inspiration », on peut imaginer une sorte de souffle divin émanant tout droit de la voie lactée qui vient vous visiter dans votre sommeil et vous anime dès le réveil d’une surprenante créativité. Ou encore la lumière qui perce délicatement le feuillage épais des sombres arbres pour irradier votre crâne au cours d’une errance solitaire et y déposer « l’ Idée », la « Grande Idée », celle qui permet de bâtir à coup sûr une œuvre immense – et surtout originale.
Ceci étant une sorte de version officielle tout à fait charmante de l’inspiration artistique, on peut se poser maintenant la vraie question : sérieusement, d’où viennent les idées ? En ce qui me concerne, je ferai une réponse prosaïque, mais honnête. D’où viennent mes idées ? Je les vole. Et cet heureux pillage me remplit de joie.
Comme c’est bon de dérober tout ce qui résonne en vous et nourrit l’imagination : les vieux films, les nouveaux films, les romans, la musique, la peinture, la photographie, les spectacles, les poèmes, les rêves, les conversations, les digressions, l’architecture, les routes, les trottoirs, les feux de signalisation, les arbres, les nuages, les ombres, la lumière. Au final, tout est une question de sélection, de détournement et de remix.
Les mystiques diront « Rien de nouveau sous le soleil » (Ecclésiaste I,9), les païens préfèreront la version « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (Lavoisier) et les pragmatiques « C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes » (ma grand-mère). En bref, accordons-nous une bonne fois pour toute le plaisir de faire tomber les masques : pour créer, il faut détrousser, ratiboiser, ravir, voler, voleter, voltiger. Et recomposer.
(NB : merci à André Gide, David Bowie, Jim Jarmusch, Austin Kleon et Pablo Picasso qui m’ont tant donné – ou plutôt à qui j’ai tant pris – pour écrire ce billet)