Les parachutes de Pâques

Publié le  18.03.2011

Ce matin, Pascale a le coeur en peine. Elle sait bien qu'elle a tout pour être heureuse mais ça ne l'empêche pas de se sentir infiniment triste sans comprendre exactement pourquoi. Un sentiment vague de mal-être la fait traîner au lit ; elle n'arrive pas à se lever. C'est encore l'un de ces jours qu'elle déteste, une suite d'heures où tout s'arrête, un dimanche aux magasins fermés et aux boîtes aux lettres vides.
Elle parvient à faire l'effort de se redresser pour observer le temps qu'il fait par la fenêtre de sa chambre. Sous le ciel bas et lourd, elle découvre alors un étonnant spectacle : des petits mouchoirs à fleurs virevoltent doucement dans l'air frais du mois d'avril ; aux petits parachutes improvisés sont suspendus des oeufs en chocolat emballés dans des papiers dorés de couleurs vives.

Je rêve que je suis réveillée, pense Pascale.
Mais la manne céleste continue et les cris d'excitation des enfants qui s'amplifient sont bien réels.
Pascale enfile sa robe de chambre et se rapproche discrètement de la fenêtre. Elle se planque derrière une tenture pour épier les petits voisins qui sont tous là à ramasser les friandises et à les déposer dans leurs petits paniers d'osier. Les fillettes, émerveillées, gardent les yeux en l'air à surveiller les nuages. Les garçons, les yeux rivés sur le sol, ont déjà les belles moustaches brunes des grands gourmands. Ils hurlent tous :
« Encore, encore, encore mesdames les cloches ! »

 

Comme si elles obéissaient à leurs injonctions, des poules au corps marron, aux ailes jaunes et à la crête rouge, descendent à leur tour sous d'autres mouchoirs, des grands à carreaux cette fois-ci. Plus pesantes que les oeufs, les parachutes ne suffisent pas à retenir les volatiles chocolatés de piquer du nez et de s'écraser au sol.

 

Alors qu'elle aurait plutôt le coeur à pleurer avec tous ces mouchoirs qui lui tombent du ciel, Pascale sourit en apercevant, sous la lucarne ouverte du grenier de la maison d'en face, le grand-père des enfants qui s'apprête à lancer une nouvelle salve de confiseries.
Mais l'aîné des garçons tire les nattes de la plus jeune qui, elle-même, donne un coup de pied à la cadette, cadette qui pince à sang le petit dernier qui sait à peine marcher. Tout occupés à se disputer le droit de récolte des morceaux de poules, ils ne voient pas tomber le dernier des parachutes qui va atterrir dans le jardin de Pascale. La jeune fille profite alors de la bisbrouille des enfants pour sortir subrepticement de la maison, s'emparer du cadeau venu d'en-haut et rentrer illico.

Une fois à l'abri des convoitises, elle plonge le nez dans la cloche lisse, blanche, et douce, et s'emplit les narines d'un parfum de résurrection.

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