Les vacances d’Éros

Publié le  12.09.2011

L'intérêt des « vacances » ?

La distance que, subitement ou peu à peu, elles permettent de prendre par rapport à l'enchaînement des jours ; à l'esclavage des charges ; à l'hystérie des dépendances électroniques ; aux pesanteurs des êtres englués dans le désespoir insidieux d'une société dépourvue d'horizon.

Le plus surprenant - la merveille en un sens -, c'est la façon dont peut alors s'effectuer, comme si de rien n'était, le raccord avec la nappe phréatique de la création, et du sujet. Et donc aussi, avec des textes demeurés parfois en rade depuis un an, ou plus.

Chaque fois - pour ce qui me concerne en tous les cas -, c'est comme si je reprenais le fil délaissé pour une étrange veille. C'est aussi le cas en somme des vraies amitiés.

S'il fallait plaider un jour en faveur de la création, qu'ont desservie les poses romantiques de l'artiste inspiré, et que ne cessent de chercher à dénier des positivistes de tout poil, c'est bien à travers de tels symptômes que l'on pourrait en laisser affleurer l'évidence. Ceux-là même que le mot « inspiration » voulut sans doute métaboliser, et qu'il desservit.

La création provient de notre vie inconsciente ou semi-consciente. De celle, il est vrai, qui postule un rapport avec soi, comme avec l'univers, à l'opposé du fonctionnalisme contemporain, de ses asservissements comme de ses platitudes.

Si, qui plus est, Éros se met ouvertement de la partie - un Éros qui n'est point celui de l'immédiat assouvissement -, texte et style ont toutes chances de se voir propulser et innerver par ce qui permit, au fil des siècles, d'atteindre aux sommets de l'art religieux comme de l'art profane. Toutes choses que néantisent, par exemple, les pitreries télévisuelles dont Silvio Berlusconi a fait la règle d'or de son entreprise d'avilissement des êtres.

C'est que l'asservissement de nos désirs - et la crétinisation de nos cervelles qui en découle - mobilise lui aussi les forces de l'énergie vitale qui peuvent produire le plus grand art, comme les changements sociaux. Simplement elle en retourne les puissances. Celles-ci n'y charrient-elles pas le pire et le meilleur, le jour et la nuit ? Éros n'est-il pas énergumène ?

Que cette gabegie de l'âme et de l'esprit, mots qu'il faut bien réutiliser, nous soit venue en majesté de la mère des arts européens qu'est l'Italie, donne également à penser. Cela ne touche toutefois que secondairement au problème.

La continuité secrète du désir suppose qu'on lui donne la chance de vrais envols, et l'espace d'accrochages imprévus.

Ce qui est, en fait, le Temps du Monde.

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