« Lips like sugar »/SEL
« LIPS LIKE SUGAR » / sel
une invitation du collectif RE:c pour une soirée de performances appelée jetlag.
plutôt que performance, je préfère le mot action. une action, une succession d’actions. et reprendre des actions, les déplacer dans un autre lieu, un autre contexte, un autre moment de la journée. presque la nuit, des gens ont beaucoup bu.
« what comes first, the music or the words » chante thurston moore sur l’album « rather ripped ». une question, oui. est-ce le sel ou le texte de ts eliot qui met le feu aux poudres ?
« i’ve measured out my life in coffee spoons » (the love song of j. alfred prufrock).
surtout ne pas parler, ou alors compter. mesurer en cuillerées à café mon poids, mes années, le nombre exact de cuillerées en moi de ce sel (53 kilos), y poser les lèvres, compter encore, le nombre de fois, combien de fois je peux poser mes lèvres dans la cuillère et embrasser, embrasser à tout venant jusqu’à la disparition du sel, 16 fois / 115 x 53 x 16 x 30 (les années valides des baisers possibles) = 2925600 / je suis faite de 2925600 baisers de hasard.
des lèvres à fortifier. le compte est à rebrousse poil. puis, il faut tout laisser là, derrière, et le sel se mélange au sable, et le sel se mélange à l’eau et le sel se mélange aux oiseaux en papier, les déchets en continents des autres propositions de cette soirée là.
il faudra un jour que je déplace 53 kilos de sel, que j’éprouve mes genoux, ma patience, que j’y passe la journée. j’ai tout mon temps.
d’abord, il y a eu ts eliot. ensuite le sel, l’idée purifiante des combattants au sumo.
(une certitude toutefois, après essais, après diverses routes imaginées pour cette action, le sel ne brûle pas)
photo : Delphine Navez