Manger

Publié le  14.03.2014

Si notre métier c'est d'écrire, il nous faut manger : ce qui ne va pas de soi. L'écriture nous a engagé. Elle nous laisse cependant le libre choix des interims.
On cherche ce qui pourrait nous convenir. Sachant qu'au combat qui s'opère avec les mots, jour après jour s'ajoutera, sans qu'on puisse sans défaire, le combat pour les mots.
Gagner son pain mais aussi gagner du temps, de l'expérience, de l'imaginaire. Combiner tout cela en une valse quotidienne. Et servir, sans trop se faire piétiner, cette pulsion élaborée qu'est l'écriture.

Plusieurs pistes s'offrent à nous : on s'y engouffre, inconsciemment parfois. On en change car aucune n'est exempte des contingences qui rendent l'écriture impraticable, inhumaine.
La première consiste à tout lui sacrifier. S'y consacrer aux heures ouvrables et au-delà, sur des textes qui nous hantent, exclusivement. Et en payer le prix, qui serait plutôt un tribut de misère.  Vivre chichement n'est pas un obstacle mais plutôt une habitude, une donnée de départ. Et accepter cela dans une maison de solitude.
La seconde piste, bâtarde et moins glorieuse compose avec des emplois à temps partiel. Si possible dans un champ d'action proche ... Un emploi culturel ... Lorsque l'on sort du travail, on est libre, pour quelques heures. Tout est alors question d'organisation et de pugnacité. Surtout lorsque les textes sur lesquels on travaille veulent se déployer et attendent de nous une constante présence.
La troisième piste ouvre l'oeil sur les différents moyens de subventions. Une bourse, une commande, une résidence ; autant de moyens de mener à bien, fut-ce temporairement, cet équilibre entre rémunération et création. Mais là encore, les écueils pointent leur nez. Car on en vient à écouter, non plus le rythme propre de l'écriture, mais celui des calendriers, des cahiers des charges.

Plus tard, il se peut que l'on trouve d'autres pistes, que d'aucuns, déjà, ont éprouvées. Puissent-elles n'être que pointillés s'effaçant derrière le livre fini, et non stigmates qui le sclérosent.

À découvrir aussi

La dédicace

  • Fiction
Concentrée, je roule. Je ne suis qu'à une centaine de kilomètres de chez moi, pourtant j'ai l'impression de chahuter le bout du monde. Sur le siège arrière, quelques exemplaires de mon premier livre t...

Muses - « Céline »

  • Fiction
Céline a la peau translucide des jeunes femmes de Vermeer.  On peut voir les fluctuations de ses émotions dans sa peau diaphane, comme une cartographie éphémère de ses humeurs…  Je vois des ...

Les précaires

  • Fiction
De la rue Dansaert à la rue de Laeken en passant par la rue de Flandre, trois évènements marquent ma journée ensoleillée à Bruxelles. (1) Rue Dansaert, on accroche d'énormes lettres noires sur fond bl...

Respect

  • Fiction
Le théâtre est un art, souvent raté, de justesse ou pas.