Na!

Publié le  26.03.2013

Adaptation de la mise en place d'une pièce de théâtre, créée dans un grenier - atelier, à un autre lieu - une boîte noire conventionnelle - pour trois représentations devant des publics scolaires adolescents, qui vont servir de test. Il s'agissait d'un grand grenier, aux énormes poutres classées, sur fond de mur de briques brutes, éclairé par des fenêtres mansardées à jardin et par un oeil-de-boeuf à cour laissant filtrer la lumière sous les combles de cet ancien hôtel de la famille Rothschild, où banqueta Wellington et/ou Napoléon et qui échut à la Ville de Bruxelles. Restauré avec libéralité, il accueille depuis dix-sept ans un flot continu de jeunes spectateurs au fil des saisons foisonnantes du théâtre La Montagne magique après avoir hébergé le théâtre des Jeunes de la Ville de Bruxelles. Dans ce grenier de luxe s'est lu devant des adolescents passionnés de théâtre, puis répété, puis créé à Noël Sur un lit de fougères.

Sans autre scénographie que l'architecture, quelques quartz, un ancien banc de bois résolument scolaire, avec un seul acteur pour faire vivre une vingtaine de personnages, dont une forêt hurlante, une fontaine évaporée, un saule dépressif, un épineux carnivore, un truffier, un sentier, un monstre abandonné, une duchesse en colère, une boîte à secrets perdus, un miroir argenté, un couteau suisse. A l'aube du printemps, il faut recréer un peu d'atmosphère. Transposer dans un ancien gymnase transformé en salle de cent vingt places au premier étage, donnant sur une cour et un jardin en friche à travers trois immenses fenêtres. On voit l'arrière des immeubles, la grue du chantier du coin de la rue des Sables et de la rue du Marais. Ces ouvertures sur le dehors sont occultées par des volets électriques qui font le noir en plein jour derrière les tentures noires de la salle peinte en noir, plafond compris, équipée de pendrillons mobiles de velours noir, montés sur rails, d'un grill en tubulures d'aluminium, de projecteurs, d'un tapis de sol en caoutchouc noir. Le défi est de suggérer au sein de ce territoire fermé, cubique et ténébreux la géographie d'une ancienne forêt, pour des publics diurnes entre douze et seize ans. C'est un des aspects éprouvants du métier de théâtre qui se joue le matin et l'après-midi en scolaire : même aux beaux jours il faut replonger dans l'obscurité dès l'aurore pour répéter, jouer à la puissance des ampoules alors que dehors il fait clair. Au printemps c'est légèrement désespérant, d'autant que par un heureux hasard météorologique le soleil levé tôt cette année lui-même semblait manifester, protester contre ce sort ingrat fait aux travailleurs du spectacle. Qu'à cela ne tienne. On jouera à la lumière naturelle, na! On écarte les tentures, on ouvre les volets des trois baies à jardin. L'astre du jour délimite volontiers et sans effort des plans en profondeur de champ, découpe des rectangles et des losanges clairs au sol, sur les pendrillons veloutés qui ondulent en accordéons verticaux à rayures. Le soleil nous peint avec la plus grande facilité des clairs-obscurs contrastés, dignes de Fritz Lang, de Dreyer, de Cocteau, de Prévert et Carné. L'acteur Eric Drabs n'a plus qu'à danser dans les noirs et blancs des jeux optiques et l'espace en est démultiplié. Pendant les scolaires hypnotisées on aurait entendu une mouche voler.

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