Qui couche avec qui à Avignon - Le billet du comité

Publié le  09.07.2016

Isabelle Bats est autrice, metteuse en scène et performeuse. Membre du comité belge de la SACD, elle se trouve actuellement à Avignon et voici ce qu’elle nous en dit :

 

Qui couche avec qui à Avignon ?

Tout est une ambiance de football. Il y a une pelouse, il y a des couleurs homogènes, des avenues envahies d’une masse humaine.

Nous avançons, nous voudrions respirer à pleins poumons, je ne peux m’empêcher d’essayer de calculer la forêt abattue sous le coup de tant de flyers. Le poids d’une visibilité. Avant tout, Avignon est un cas de souffrance. Quand Jacques Higelin chante « casser des cailloux à Cayenne » on peut traduire par « jouer des spectacles à des heures improbables voire impossibles à Avignon ».

Tout est une composition de mêlée. Pour gagner en efficacité de spectateur : placer sur la carte intra muros une zone relevée de stabilo, zone calculée en fonctions de données probables ou fantasmées : distance de l’hôtel (ou du bnb), passages à l’ombre, relevé des terrasses sous brumisateur, relevé des rues où se situent des jeunes gens distribuant des tracts en forme d’éventail, des boîtes d’allumettes, des badges, des tote bags (chacun son âme de collectionneur), calculer la difficulté d’un escalier, d’un horaire de bus récalcitrant. Vouloir rire ou pleurer, serrer les mains, échanger le tuyau du jour, refuser de se projeter vers trop tard le soir : le bar du « in » ou pas le bar du « in ». Un dernier spectacle vers 22h15 ou se contenter de la jauge pratiquement légale de deux spectacles par jour.

Tout est un entraînement inlassable. Se retenir de se lever trop tôt, s’étonner de déclarations entendues sur le pas de porte : « tu sais où est René ? il est parti faire le Tourmalet. », organiser le roulement « gorgée d’eau/ friction de la nuque à l’eau froide / manger un fruit / avaler du sucre lent / faire une station assise / ouvrir un bouton de chemise / se protéger la tête / se repasser le rouleau de déodorant / (et vers le fort de l’après-midi) dulcamara / estimer la possibilité d’une aspirine / estimer la possibilité du zyrtec / et surtout, surtout, ne pas sous-estimer l’importance des pauses aux toilettes.

Avignon est un concours de tee-shirts mouillés, une vague d’embrassades, serions-nous trop moites pour ne pas investiguer plus loin  sur le chemin des chaises longues par-delà les buissons ?

À Avignon, personne ne couche avec personne.

(mais moi, au fond, tout me va, tant que ça se termine avec les boutons de la blouse de Claire Bodson qui craquent sous la pression)

 

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