Un séjour à Anvers #2 : D'Herbouville straat
D'Herbouville straat
un nom aristocratique
est la rue la plus mal pavée
de tout le quartier des docks
elle s'élance le long d'un quai
où un bateau gigantesque nommé Chopin
se laisse docilement décharger
de troncs non moins immenses
sans doute du bois tropical
aucun arbre chez nous n'a de fût aussi majestueux
même amputés du bas et du haut
une grue titanesque suffit à peine
à les hisser
je vois ces troncs flotter dans l'air
comme les éléphants autrefois
que l'on ramenait des colonies
pour le zoo d'Anvers, du moins
il me semble que j'ai vu flotter
sur une vieille photo quelque part
un éléphant
à moins qu'il ne s'agisse du rhinocéros de David Van R.
dessiné à la plume sur une page de son carnet de voyage
conservé à la « Letterenhuis »* - David dessine
aussi bien qu'il écrit, je suis un peu jalouse -
je ne suis pas sûre, donc, du rhinocéros
mais dans ma tête il flotte en l'air
comme les troncs venus d'Asie ou d'Afrique
la forêt disparaît et la faune sauvage
pour le confort imbécile de l'homme occidental
mais les mots et les dessins à la plume
n'appauvrissent personne au contraire
ils se multiplient dans ces contrées de l'esprit où
les écrivains échangent leurs idées exotiques
sans autre bénéfice que de prolonger à l'infini
la course de leur navire aux cales comme des « schatkamers »
(un mot appris en déchiffrant les explications à la « Letterenhuis »*
avec mon dictionnaire de poche)
bourrées de mots précieux.
* « Letterenhuis, Het geheugen van de Vlaamse literatuur », www.letterenhuis.be