Olivier Deprez

  • Écrit / Multimedia

Biographie

Ma pratique artistique s’inscrit dans le mouvement de réinvention de la bande dessinée des années quatre-vingt-dix. En 1994, je crée avec d’autres dessinateurs et dessinatrices le collectif Fréon qui deviendra Frémok en 2003. Il s’agissait alors de réinventer et de revisiter un médium en le reliant et en le confrontant aux autres formes artistiques et littéraires (peinture, poésie, roman, etc.). Reconsidérer le rapport au livre dans sa matérialité via entre autres des techniques de gravure, repenser l’espace de l’exposition comme lieu de narration, introduire de nouvelles techniques de dessin et d’écriture, créer des événements fédérateurs pour les artistes et leur public, pratiquer les créations à mains multiples dans des lieux peu visibilisés à l’instar des ateliers créatifs dévolus à l’art brut (cf. le projet Knock Outsider, https://knockoutsider.org ), favoriser les pratiques hybrides qui font se confronter différents médias (le livre, l’installation, l’écran, la musique, etc.), sont quelques-unes des lignes directrices du collectif.  

Au sein de ce collectif, je participe à la création de la revue Frigobox. J’y publie mes première recherches narratives et graphiques à propos du roman de Franz Kafka « Le Château ». Je publie l’adaptation du Château de Franz Kafka en gravure sur bois en 2003 (Frémok 2003, 2018). Faisant ce livre, la gravure sur bois s’est imposée à moi étant donné l’homologie que j’y ai trouvé : homologie entre la manière négative de la phrase kafkaïenne et le procédé négatif de la gravure sur bois qui retire de la matière pour affirmer la forme graphique. Ce premier ouvrage me permet de mettre à jour l’écriture conçue comme un montage, un rapport texte vs image plus égalitaire, un rapport au mineur au sens deleuzien du terme, une dialectique entre abstraction et figuration où les termes se relancent l’un l’autre. 

Dans la foulée de ce livre, et suite à la rencontre avec le poète et théoricien Jan Baetens, je rédige quelques articles consacrés aux rapports des mots et des images dans ce nouveau domaine effervescent de la bande dessinée contemporaine dans une perspective intersémiotique et intermédiatique. 

En 2007, je fais deux rencontres déterminantes qui vont transformer ma pratique. Je rencontre Miles O Shea, un acteur de théâtre. Le contexte de cette rencontre est une scénographie à réaliser pour la compagnie Het Lod (un théâtre gantois) et plus précisément un spectacle conçu par le dramaturge flamand Koen De Sutter à propos des langues minoritaires européennes. Cette rencontre va m’orienter vers la pratique de la performance. Avec Miles O Shea et puis plus tard Alexia de Visscher, je développe le projet Blackbookblack qui consiste à imprimer en direct dans des bibliothèques des livres noirs aux pages noires. Les livres sont déposés dans les bibliothèques en Suisse, en Suède et en France. 

En 2007, je rencontre également Adolpho Avril lors d’une résidence du collectif Frémok au centre d’art brut et d’art contemporain de La S Grand Atelier à Vielsalm en Belgique. Adolpho Avril vit dans un hôpital psychiatrique à Lierneux. Avec lui, de 2008 à 2015, je crée le projet « Après la mort, après la vie » duquel résulte le roman gravé éponyme et le film d’animation « Après la mort, après la vie. Le testament du Docteur A ». Le film a été réalisé à partir de 220 bois gravés. Il a été notamment présenté dans le cadre d’une installation au MIAM à Sète lors de l’exposition intitulée Fictions modestes& réalités augmentées (https://knockoutsider.org/publication/fictions-modestes-et-realites-augmentees/ ). Le livre est largement inspiré par des références cinématographiques. Les cases y sont souvent la transcription d’un photogramme. Il s‘agissait de revisiter des films essentiellement expressionnistes. Le projet est hanté par la question du processus et le degré de conscience que peuvent en avoir ses acteurs. La mémoire visuelle devient également une question cruciale et donne lieu à une pratique du réemploi : il s’agit moins d’ajouter de nouvelles images que de savoir ce que l’on peut faire avec celles qui existent déjà.  

La rencontre avec Miles O Shea et la rencontre avec Adolpho Avril introduisent le mouvement dans ma pratique. Une tension entre image fixe et image en mouvement s’instaure alors. Un dispositif page vs écran vs espace se met en place, dispositif traversé par des questionnements quant aux rapports high & low, aux pratiques invisibilisées de l’art brut, à la mémoire visuelle et son archivage, à l’accès à la culture visuelle. Dispositif qui prend corps dans la matérialité de la gravure et dans les collectifs qui s’instituent avec Miles, Alexia et Adolpho.

À partir de 2009, avec Miles O Shea et Marine Penhouët, je crée le collectif informel WREK. WREK résulte d’une part de ma découverte du procédé de réemploi de l’image dans le cadre du projet « Après la mort, après la vie », de la lecture du livre de Moshe Postone Temps, travail et domination sociale, de la lecture du livre de Philippe Lacoue-Labarthes et Jean-Luc Nancy L’absolu littéraire et d’un strip du comics de Nancy & Sluggo. WREK est l’anagramme du terme germanique « werk » qui signifie « travail ». Ce terme « werk » est utilisé pour désigner l’œuvre elle-même et l’œuvre en train de se faire dans l’ouvrage de Nancy et Lacoue-Labarthes. Moshe Postone dans son livre montre la centralité problématique du travail réduit à l’abstraction du temps abstrait dans la société capitaliste. WREK interroge le travail du point de vue du processus créatif de l’art. Le procédé de WREK provient d’un strip de Ernie Bushmiller, le créateur de Nancy & Sluggo où Nancy récupère des objets dans une décharge pour en faire quelque chose de neuf. 

À partir de cette lecture du strip de Nancy, j’interprète Internet comme une immense décharge d’images. Ma pratique s’oriente vers l’emprunt, le réemploi, la seconde main dans la perspective d’une archéologie des médias.  

WREK est un projet fait d’éclats, de fanzines, d’installations, de mini-films d’animation en gravure sur bois et d’un livre gravé (Frémok, 2024). 

Lors de l’exposition WREK NOT WORK en 2019, j’ai rencontré Roby Comblain, graveur et scénographe bruxellois avec qui j’ai conçu la scénographie de l’exposition et avec qui j’ai créé ensuite la revue gravée HOLZ.

HOLZ est un objet qui oscille entre revue d’art et d’essai et livre d’artiste. Cet objet réinterroge à nouveaux frais le livre comme support et lieu de cohabitation de l’abstraction avec les mots et les images. Chaque numéro de la revue est autonome et met en évidence un aspect particulier de la création artistique, que ce soit l’image comme relation, la revue comme lieu à habiter, la culture visuelle et la question du genre ou encore la mémoire de l’indicible et de la violence politique.  De cette façon, mis bout à bout, à travers la succession des revues HOLZ, un questionnement s’ébauche à propos des images, des mots et de ce qui ne se laisse pas représenter. 

Lors de l’exposition du collectif Frémok aux Itinéraires Graphiques de Lorient en 2022, je rencontre Aurélien Gleize (Aurélien Gleize travaille notamment avec la maison d’édition Questions Théoriques) qui me met dans les mains le texte du théoricien des médias allemand Friedrich A. Kittler Le testament de Dracula. Cette rencontre donne lieu à un nouveau projet dont le départ est le texte de Kittler. Ce projet fait la synthèse de mes recherches développées dans le projet WREK et la projet HOLZ. Le nouveau projet s’intitule le projet MINA en référence au personnage féminin qui occupe une place centrale dans le Dracula de Bram Stoker. 

 


 

2024

  • Écrit – Bande dessinée / illustration

2014

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2008

  • Écrit – Bande dessinée / illustration

2007

  • Écrit – Bande dessinée / illustration

2003

  • Écrit – Bande dessinée / illustration

Belazine