Amusement obligatoire (Bruxelles, de retour du Kaaitheater)
Les Anglais de Forced Entertainment traînent par ici une réputation grandiose. D'esprit novateur et de culot scénique. C'est peu dire que j'étais impatient de découvrir leur travail. C'était hier, à la première mondiale de « The thrill of it all », spectacle d'ouverture du Kunstenfestivaldesarts 2010, sur le grand plateau du Kaaitheater.
Neuf acteurs en blanc-rouge-noir à paillettes cheap, perruqués à l'arrache. Des palmiers de pacotille qu'on place et déplace pour (dé)structurer l'espace. Des chansons à la pelle : voix japonaises sur orchestrations sixties amerloques. Des danses improbables, again and again. Entre deux moments chorégraphiés, des tentatives de textes au micro déformant : tous les mecs ont la voix de Barry White ; toutes les nanas celle d'une souris de cartoon sous exta. Tentatives vaines : la parole est sans cesse empêchée, par les autres acteurs, par les fils des micros, par la nécessité de la danse, par par par. Sans la traduction, on ne pige pas la moitié de ce qui est dit (certains spectateurs ont reçu des écouteurs à l'entrée, pas moi) mais ça n'a vraiment aucune importance : quand l'entertainment est forced, il n'y a pas de place pour le contenu.
C'est là tout le propos du collectif : mettre à plat l'absurdité du The show must go on. Envers et contre tout, les neuf guignols vont s'acharner coûte que coûte à produire du spectacle, à nous ravir à tout prix et donc à feindre eux-mêmes le ravissement. Jusqu'au malaise, à l'écœurement, au sordide. Durant la première salve chorégraphique du spectacle, une des actrices se vautre lamentablement dans le décor, se retrouve à quatre pattes, se redresse en catastrophe et arbore par réflexe un cheesy smile tout en reprenant son pas. Faire bonne figure. Les 100 minutes qui suivent déclineront le motif. Tout est dit.
Tout ou presque. De ce show absurde et malsain transpire une grande désillusion, une vision qui confine au dédain du rapport salle-scène dans son essence. La démonstration nous dit que le public n'existe que par son désir de rire et de morale ; l'acteur - même exceptionnel, et c'est le cas ici - n'existe que par sa fonction de satisfaction de ces désirs. Un théâtre qui ne croit plus au théâtre en somme. Donc, malgré tout, c'est-à-dire malgré le plaisir du jeu, malgré la riche violence du propos et malgré des instants de franche hilarité, un solide goût de « Tout ça pour ça » au final... (cqfd?).
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Post scriptum festivalier : pas vu la performance de Lotte van den Berg / impressionné par la réalisation live sur la façade faisant face à celle du KVS d'un dessin de Bonom (le plus célèbre street-artist bruxellois malgré son anonymat farouchement gardé) / grosse grosse grosse affluence à la fête d'ouverture au KVS (centre du festival cette année)
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Post post srciptum transparence : pour l'ensemble du Kunstenfestivaldesarts, j'ai acheté le pass à 130€ et j'écris ceci sans rémunération.