Brighton

Publié le  11.05.2013

Brighton, petite ville portuaire de cent cinquante mille habitants du sud de l'Angleterre, où je suis en tournée pour quelques jours.
C'est le soir de mon arrivée.
Après avoir visité le lieu où nous allons jouer, je me rends à l'hôtel avec mon sac à dos et ma valise. Ayant reçu des informations imprécises, je me perds sur la digue, fouetté par un crachin et un vent inamical, je fais des allers-retours sur une jetée presque déserte. Ayant finalement demandé mon chemin à un passant, je me rends vers mon hôtel, qui n'est plus qu'à cinq minutes de là.
Soudain, un mal de ventre à se rouler par terre, une colique gigantesque m'envahit et me contraint séance tenante et sans autre forme de procès à me vider entièrement dans mon pantalon de ce que mon corps ne peut décidément plus contenir. Je n'ose croire à autant d'infamie et lutte de toutes mes forces mais c'est tout bonnement impérieux et indiscutable… En quelque secondes, mes jambes sont complètement enduites du poisseux et désagréable liquide, jusqu'à mes chaussures qui sont couvertes de merde, car tel est le mot.

 

Moment étrange mêlé de panique et de soulagement, car il fallait tout de même bien que cela sorte. Mais maintenant que faire ? Maintenant que je ne suis plus qu'une éponge puante et repoussante, interdite à tout contact social tant que je n'aurai pas opéré les ablutions nécessaires à recouvrer un semblant d'humanité? Il est impossible dans l'état où je me trouve de rentrer dans un bar quelconque pour avoir accès aux toilettes que je m'empresserais de maculer abondamment. Je m'empresse donc de courir sur la plage de galet, où ma valise s'embourbe, ou la manœuvre est des plus compliquées et, vidant mes poches avec urgence, je me jette dans l'eau de la manche afin de me déshabiller en grelottant et de me laver sommairement en priant de toutes mes forces qu'aucune vieille effarouchée n'appelle la police car la digue n'est qu'à une cinquantaine de mètres.
L'opération se déroule avec peine, mes affaires propres que je cherche en toute hâte dans la nuit se trempent du fait de la pluie qui entretemps est devenue battante. La situation, avec tout ce qu'elle a de terrible est pour le moins cocasse, bien que cela me coûte de l'avouer. Mais j'y arrive néanmoins et après avoir lâchement abandonné les tristes témoins vestimentaires de mes frasques stomacales, je me retrouve, cinq minutes plus tard, dans un état tout à fait discutable mais qui présente au moins les dehors de la civilité, à l'accueil de l'hôtel Hilton, face au West Pier de Brighton…

 

Quelques dizaines de minutes plus tard, allongé sur mon lit après avoir pris une douche et rangé mes affaires, je me surprends à penser à ce que cette situation pourrait représenter pour un sans domicile fixe, pour une de ces épaves que l'on voit quotidiennement hanter trottoirs et porches, entrées de métro et escaliers à demi couverts. A ce que cela pourrait signifier pour quelqu'un qui n'a déjà plus qu'un droit tout à fait infime au monde des vivants et qui n'a pas la mer à portée de main, pas d'habits de rechange, pas d'hôtel où se laver le cul… Je pense à cela et je me dis que.. que..

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