Dans la lande avec Lear

Publié le  27.05.2010

                                                                                   Dans la lande avec Lear

« Le temps est sorti de ses gonds », faisait dire Shakespeare au roi Lear, perdu dans la lande en compagnie d'un fou, pour s'être légèrement mépris sur l'amour de ses filles à son égard...

Entre la poire et le fromage, c'est toujours l'occasion de se fendre d'un petit brin de culture. Il n'empêche que depuis un mois l'actualité a veillé à se renouveler et nous présenter des informations totalement inattendues. Comme pour répondre à notre soif secrète de spectateurs.

Car qui aurait imaginé le coup de pétard du volcan islandais au nom imprononçable, pareil à celui d'un elfe du Seigneur des anneaux ? Et surtout ses conséquences sur le trafic aérien ? Quoi !? Tout bloqué, plus moyen de voler pendant une semaine ? Impossible ! Les compagnies aériennes ne le permettraient pas. Business is business. L'argent est roi.

Le gars qui vient de sortir d'un coma à qui on raconte ça, il n'y croit pas. Et si on enchaîne avec l'histoire du crash de Katyn qui a soudainement frappé l'élite polonaise, il risque d'afficher le sourire amusé du mécréant, de celui à qui on ne la fait pas, avant de sortir : « Oui, comme dans la chanson de Boris Vian, la seul' chos' qui compt' c'est l'endroit où s'quell' tombe ». La bombe, pense-t-il.

Ici aussi, le premier réflexe est l'incrédulité, car enfin, notre maîtrise technologique est bien en mesure d'éviter de telles surprises! Et le pilote du Président, il ne devait pas être manchot ! Du moins, le croit-on. Aussi vrai que Lear avait confiance en Régane et Goneril.

Bref, l'impossible a pris des allures de possible ces derniers temps. A méditer, alors qu'info pour info, la crise belge a joliment progressé. On en parle et en reparle de la disparition du pays, et chaque fois c'est un petit pas en avant qui semble fait. Sauf que le coup de hache fatal n'a pas encore été porté. Qui sait si à cet instant-là - s'il arrive - nos visages n'exprimeront pas autant de stupeur et désarroi que ceux des touristes privés de vol ou, plus tragiquement, des Polonais devant leurs morts.

Pareils à Lear et son fou, nous philosophons, pestons, rêvons, blaguons dans la lande. Arrivera peut-être le jour où il faudra faire face au cadavre de Cordelia.

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