Europe, tu ne peux te contenter d'être mémoire

Publié le  30.05.2011

Faute de se faire, l'Europe - mieux vaudrait parler des Europes, de les construire, et de les rendre réellement solidaires - ne cesse d'engendrer, dans chacun des pays censés la composer, une nuée de miasmes et de comportements délétères. Ceux-ci sont à la fois le fruit de l'Histoire globale qu'elle a produite, et de chacune de ses Histoires.

 

À cette situation glauque dont témoigne le procès Mertens/De Wever, à ce cancer qui s'étend dans ce qui paraît encore confortable, quelle création peut correspondre et répondre de façon décapante ? Quelle invention est en mesure d'interpeler ce mouroir lent et de trouver les formes susceptibles d'«é-mouvoir » les uns et les autres, encaqués dans les rets à la fois de la sécurité relative et des clichés rassurants ? Ceux-ci sont le masque du présent et désignent en fait les impasses actuelles de nos Histoires, n'en déplaise à Barack Obama.

 

Car c'est bien à elles que nous sommes confrontés ; et qu'est confrontée l'invention littéraire dans ce vieux continent dont l'appellation traditionnelle a de moins en moins à voir avec l'affirmation impériale qui l'a forgée, mais devra sans doute être prise de plus en plus au pied de la lettre, si nous ne modifions pas nos comportements. On en prend conscience chaque fois que l'on se transporte sur d'autres rives, Brésil ou Chine pour ne citer que deux pays, dits émergents, dans lesquels je me suis rendu récemment.

 

Leurs contradictions valent certes les nôtres, et certaines injustices sociales y sont bien évidemment plus criantes.

 

Mais la vie y grouille, y bat et y vit. Elle aspire qui les visite, chaland qui ne peut se croire dans un Musée, et redevient vite plus qu'un passant. Je n'avais plus remis les pieds au Brésil depuis quinze ans. J'y ai retrouvé, en plus fort encore, ce qui m'avait frappé au milieu des années nonante : la sensation d'être porté, emporté par un mouvement, un torrent de vie qui est désir et donne envie de se projeter vers un futur. De là ne peuvent naître que des formes esthétiques larges, contrastées, peu ressassantes, étrangères au « soft » et au « correct ». En un sens, mais autrement, tel est aussi le cas de Naples, où le Caravage n'est pas une icône embaumée mais comme la transposition de ce qui s'y passe aujourd'hui encore. Là toutefois, on ne regarde pas vers le futur mais dans le tréfonds du tuf.

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