Je suis auteur… Pour le pire et le meilleur !
Je fais le plus difficile métier au monde ! Comment ose-je affirmer une pareille ineptie ? C'est vraiment manquer de sens de la mesure de comparer le métier d'auteur à d'autres professions, tellement plus pénibles. Après tout, je ne pousse pas tous les matins mon wagonnet dans la mine. Non, je m'assieds le plus souvent au chaud (encore que cet hiver fut rude) et je porte mon regard vers l'écran bleu de mon ordinateur portable. Un grand splash et je plonge dans le bain de la création. Quel beau métier ! À la seule condition de ne jamais prétendre en vivre.
Quand je croise des collègues auteurs sur des salons, je suis toujours surpris par leur décontraction. L'écriture est à leurs yeux le petit supplément d'âme qui rend la vie plus belle, plus forte, plus dense. Ils sont professeurs, avocats, chefs d'entreprise ou salariés dans un grand organe de presse. Ils accordent à tous les genres le joli mot de dilettante. Et bien sûr, ils ne comptent pas sur leurs émoluments d'auteur pour faire bouillir la marmite. D'ailleurs, n'y-a-t il pas quelque chose de terriblement trivial (presque vulgaire) à faire rimer création et rémunération ? Talent et argent ? Ecriture et facture ?
Pour ma part, j'ai décidé il y a bien longtemps de faire de mon petit cerveau et de mon imagination mon unique fond de commerce. L'investissement est minimal mais cela ne m'empêche pas d'être confronté à toutes les vicissitudes de la vraie vie. Cela fait longtemps que j'écris (j'ai publié mon premier livre il y a près de vingt ans mais j'avais déjà près de dix ans de journalisme derrière moi) mais je dois dire que j'ai presque tout connu de la jungle de la création. Faillite d'éditeurs pas très honnêtes, promesses d'avocats pas très performants, affrontements avec une administration pas très compréhensive, problèmes avec des diffuseurs pas très diffusés, crises de nerfs avec des attachés de presse très détachés de la réalité des choses… Après toutes ces déconvenues, un être normalement constitué aurait brisé sa plume et se serait lancé dans une carrière de professeur de chant de colibris à lunettes au Guatemala. Moi pas. C'est même plus grave que ça. Je conserve la même sensation à la fois délicieuse et terrifiante, chaque fois que je me trouve devant l'écran bleu, sur le point de commencer l'écriture d'un roman ou d'un scénario. Ce métier, le pire du monde… est vraiment celui que je préfère.
Tiens, j'avais oublié de vous dire que je faisais le plus beau métier du monde.