La dédicace 2
Ce n'est pas loin mais on prendra sa voiture. Si, si, il insiste. Devant, les époux passent en revue les habitants susceptibles d'être présents. Je les sens soucieux. Nous arrivons les premiers dans la salle des fêtes. J'étudie le lieu, la table et les deux sièges, les trente chaises vides vis-à-vis. Ça sent le Mr Propre. Je me demande si quelqu'un viendra.
« Ah ! Janine ! », mon hôte, rassuré par cette première entrée, me présente. Je serre des mains en souriant bêtement, comme un ministre novice en visite dans une petite entreprise de campagne. Une famille entière, un couple de vieux, deux copains… la salle se garnit. Vite, je compte. Quinze, vingt personnes peut-être. Mon hôte ne me quitte pas d'une semelle, me chuchote à l'oreille la vie de chacun. Elles pourraient faire le début d'un roman… Lui, c'est le père d'Amélie me précise-t-il avant que l'homme ne me salue. Amélie ? Il a prononcé le prénom comme s'il devait m'être familier. J'ai beau chercher, je ne connais pas d'Amélie ! Il aime voyager, c'est pour cette raison qu'il est venu ce soir, parce que mon livre traverse le monde. Il est charmant, ce monsieur Nothomb. Le flux s'interrompt. Plus personne ne viendra, maintenant. Je sens mon hôte un peu déçu. C'est à cet instant précis, alors qu'il avait été décidé par un petit hochement de tête qu'il était temps de commencer, qu'elle est arrivée. Une femme très élégante, portant un sari rouge et safran. Ses cheveux gris, tirés en chignon, dégageaient entièrement son visage, oblong, joliment dessiné par les sillons de la vie. Son nez était percé d'une minuscule pierre blanche comme les femmes de là-bas. Mon bouquin avait beau parler de l'Inde, l'apparition d'une femme hindoue dans une salle des fêtes d'un village du fin fond des Ardennes me fit l'effet d'un mirage. Tout bas, je demande : « Qui est-ce ? ». Mon hôte prend un air amusé. À suivre…