A serious man, film apocalyptique

Publié le  29.09.2010

Qui dit apocalypse au cinéma dit gigantesques météores ("Armageddon"), tremblements de terre ("2012"), révolte de la nature ("Phénomènes"), réchauffement climatique ("Le Jour d'après"), dérive écologique ("Still life"), invasion de fantômes par internet ("Kairo"). A l'heure actuelle. Car il y a quelques dizaines d'années, on vivait plutôt avec les spectres d'une guerre nucléaire ("Dr Folamour", "Le Sacrifice"), d'une menace extra-terrestre ("La Guerre des mondes") ou d'un gangster diabolique ("Mabuse"). A chaque époque sa mise en image de la fin du monde. Même si des modèles semblent franchir allégrement les époques et figurer comme éternels. C'est par exemple le cas des zombies, cette menace venue d'on ne sait où et qui met directement en péril la race humaine. Ou encore toutes les situations de survie après un désastre, quelle qu'en soit l'origine : "La Route" se trouve dans la lignée de "Mad Max", "A Boy and his Dog", "The Last Man on Earth".

 

Mais l'Apocalypse peut aussi se manifester autrement sur les écrans. Des films en apparence très éloignés de cette thématique mais qui bizarrement nous travaillent, en jouant sur nos peurs de la fin du monde - ou fin de notre monde.

 

C'est ce à quoi on assiste avec "A Serious Man" de Joël et Ethan Coen. A l'image, rien de commun avec les peurs susdites. On y suit les déboires de Larry Gopnik, un "schlimazel" à qui arrive problème sur problème dans un cadre des plus quotidiens : la banlieue de Minneapolis. Le héros voit sa femme le mettre à la porte pour se lier avec Sy Abeman, un ami de famille devenu veuf; au collège, sa carrière remise en question à cause de mystérieuses lettres de diffamation ; ni ses enfants ni son frère n'en mènent très large. Plus le récit avance, plus le malheureux Larry sent le poids de la vie s'abattre sur ses épaules qui ploient de plus en plus.

 

Rien de commun ? Et pourtant...

 

Notons que le film commence avec un conte yiddish, mettant en scène la tentative dibbuk (un démon dans le corps d'un mort) de pénétrer dans un foyer. Le dibbuk est chassé, mais rien ne dit qu'il ne reviendra pas. Et la vie de Gopnik peut se voir à l'aune de cette histoire d'esprits malfaisants, comme si les personnages qui entourent le héros relevaient d'une nature équivalente. Femme, amis, frère, enfants, collègues, voisins, rabbins, avocats, médecins... tous se présentent avec le sourire, mais tous aussi contribuent à augmenter son tourment, à le faire douter successivement qu'il peut être mari, père, professeur, frère, juif... jusqu'à vivant sur terre.

 

Sur ce plan, nous retrouvons là les termes familiers de l'univers apocalyptique classique d'êtres surnaturels (zombies, monstres,...)  qui menacent l'existence humaine ou d'un homme seul luttant pour survivre dans un monde hostile.

 

La question - légitime s'il en est - que se pose Larry Gopnik est l'origine de ce qui se dessine comme une danse macabre : ce qu'il vit est-il « normal » (est-ce cela vie ?) ou peut-on y lire la volonté de Dieu (mais dans ce cas pourquoi Yahwé lui veut-il du mal ?).

 

Un des grands mérites du film est de ne pas répondre à la question, de se contenter de placer les situations qui font de ce récit de vie une histoire profondément inquiétante. A ce titre, le  dernier plan du film - renvoyant à l'univers immémorial juif annoncé au début - souligne bien que la mésaventure racontée déborde largement le cadre psychologique du héros et que la menace de la fin du monde peut toucher toute une communauté. Le Malin a-t-il gagné ? Yahwé était-il en colère ? Nous ne le saurons jamais, mais nous avons un goût de la fragilité de notre existence et de l'étendue de nos incertitudes, voire de notre ignorance. 

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