La soirée des Ladies

Publié le  09.09.2011

Mille cinq cents femmes rassemblées dans un même lieu. Vous vous rendez compte ?  Mille cinq cents femmes emmurées dans une sorte de joie frénétique, celle de partager ce moment-là. Non, vous ne pouvez pas vous rendre compte ! C'est une histoire à vivre. Si, en plus, vous vous raccrochez aux statistiques qui affirment que ce sont surtout les femmes qui lisent - bien que la tendance laisse penser que personne (hommes et femmes confondus) ne lit plus les phrases qui dépassent les dix mots - et si le roman que vous venez de sortir semble fait pour elles, l'idée de déambuler parmi ce lectorat potentiel devient presque irrésistible. « C'est une soirée juste pour elles » m'avait dit l'organisatrice, « une soirée où on les gâte, on les chouchoute. » Gavées de petits fours, de champagne et de cadeaux, soûlées d'histoires et de rencontres, elles passent un peu de temps entre copines, loin du quotidien, entourées de choses qu'elles aiment. De choses qu'elles aiment ? Des bijoux, des fringues, des produits capillaires… Alors, pourquoi pas des livres ? Oui, pourquoi pas ?

19 heures. Ma table m'attend. Avec une petite nappe et deux chaises. D'autres sont arrivés avant moi dans la salle encore vide. Ils montent leurs stands, étalent leur marchandise. J'ai vite fait d'installer mes deux piles de papier. Je m'assieds, j'observe. Je suis en bout de course par rapport à l'entrée, juste à côté d'un drap noir éclairé d'un spot puissant devant lequel les ladies pourront se faire photographier comme des stars. Pas mal ! Vis-à-vis j'aperçois une dame s'affairer dans la mise en place de fioles aux couleurs dissonantes et d'ustensiles en cuir dont je devine l'usage probable en apercevant, un peu sur la gauche, un empilage acrobatique de vibromasseurs taille unique. « Vous n'avez encore rien vu ! » me rassure le technicien du lieu, visiblement amusé de ma petite confusion. « Accrochez-vous, je vais lâcher les fauves ! » Et là, elles sont arrivées. Bourdonnant, comme un essaim d'abeilles. Elles ont bu, mangé, parlé (beaucoup), se sont fait coiffer et tirer le portrait, ont palpé des tissus, essayé des colliers. Quelques-unes ont même feuilleté mon roman. Enfin, au début, parce que la colonie fut très vite gagnée par la surpopulation. S'ensuivit une sorte d'intimité forcée pour cause de promiscuité. 

Je fus entourée d'un mur de femmes qui m'écrasèrent sans plus me voir. Et je ne vis alors rien d'autre à faire que rester là, à m'amuser de cet élan de ferveur toute féminine qui ne m'était absolument pas destinée.

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