L'agent

Publié le  21.05.2013

J'ai découvert récemment le système des agents, en rencontrant pour la première fois une comédienne française. Il est bien différent de ce dont j'ai l'habitude en Belgique.

C'est, par exemple, mon producteur français qui s'est chargé d'appeler l'agent de la comédienne, qui lui-même l'a contactée. Et ce sont eux aussi qui ont fixé le lieu et l'heure de notre rendez-vous. Elle et moi, nous n'avons eu qu'à nous y rendre, comme deux petites filles sages. En Belgique, j'aurais trouvé un numéro sur internet ou via un ami commun et j'aurais appelé, le coeur battant, le comédien désiré. A Paris, il y a des intermédiaires.
 

Le rendez-vous s'est passé, et bien passé il me semble. Mais est arrivé un moment où, comme nous ne nous étions jamais directement posé la question « Veux-tu travailler avec moi? » ni jamais répondu en face « Oui, et toi? », nous n'osions pas nous en demander confirmation. Point étrange de la conversation où, comme lors d'un rendez-vous amoureux, on commence à se demander « Est-ce que je lui plais? ». Et où l'autre, sans doute, se demande lui aussi « Et moi, est-ce que je lui plais? »

Nous nous sommes donc quittées, souriantes et en apparence heureuses de cette heure passée ensemble. Suite à quoi je me suis empressée d'appeler mon producteur pour tout lui raconter et conclure par « Moi je la trouve super et je veux toujours autant travailler avec elle, mais elle? ». J'imagine que de son côté, elle aussi a appelé son agent pour en faire de même - mais par quoi elle a conclu? Ça je n'en sais rien. Maintenant il reste à mon producteur à rappeler son agent, pour savoir ce qu'elle lui a confié. Puis à me le transmettre.

 

Je me suis dit que dans la vie ce serait bien pratique aussi d'avoir des agents. On aurait un rendez-vous avec un homme ou une femme, on se ferait une impression, et au sortir du café on appellerait notre « agent de vie » pour lui dire « Il me plaît! ». Celui-ci appellerait alors l'autre agent, qui se chargerait de répondre que « Désolé, mais lui non ». Ça amortirait un peu la douleur de l'échec. Et ça pourrait, à l'inverse, accélérer certaines histoires qui ont du mal à démarrer.
Mais est-ce que ça n'atténuerait pas aussi la magie de la découverte de l'autre, du désir qui naît entre deux êtres? Avec un système d'intermédiaire comme celui-là, il est où le vrai engouement d'une rencontre? Quand arrive-t-elle cette réunion rêvée, qu'elle soit professionnelle ou sentimentale, où l'un dit à l'autre « J'ai tellement envie de toi! » et où l'autre répond « Moi aussi! » ? Ces rencontres-là existent-elles ou ne sont-elles que fantasmes?

 

Si je n'en ai pas connu jusqu'ici, cela voudrait-il dire que la seule manière de réellement rencontrer quelqu'un serait dans le bout de chemin que l'on va faire ensemble, après ce premier rendez-vous ? Pour un cinéaste et un acteur, elle ne se déroulerait alors qu'au tournage, quand cela se passe bien ou mal, et que peut naître cet engouement tant attendu - ou un rejet violent dans le cas contraire. A nouveau, comme dans une histoire d'amour où les sentiments profonds se manifestent rarement autour d'un premier verre, mais prennent corps dans ce que l'on traverse ensemble, dans ce que l'on partage en apprenant à se connaître, pas dans la séduction des premiers instants.

 

Alors agents ou pas agents, il est possible que les premiers mots échangés soient rarement une révélation. Qu'il y ait à accepter l'aléatoire de la chose, l'idée que rien de très certain ne peut se conclure après un premier rendez-vous. Et qu'avec ou sans intermédiaire, ça n'aurait peut-être pas fait de différence.
Mais je garde aussi bien au chaud l'idée de l' « agent de vie », on ne sait jamais! Ça peut toujours me servir, pour mon prochain rendez-vous amoureux. Ou pour une éventuelle ré-orientation professionnelle si finalement le cinéma ne marchait pas...

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