Le plus beau métier du monde
Être scénariste est un rêve.
Écrire, c’est la liberté absolue. On s’invente un monde nouveau à chaque fois. On a mille vies. Moi, je suis à la fois une super flic qui vient à bout de la mafia luxembourgeoise, une tueuse à gages d’une efficacité redoutable, une vendeuse de sex toys pas piquée des vers ou une fillette qui va sur la lune.
Bien sûr, il y a quelques inconvénients…
Vous zappez les soirées au resto avec des amis en prétendant que vous avez la grippe alors que vous êtes juste fauché.
Votre père vous demande tous les mois s’il ne faudrait pas maintenant trouver « un vrai travail », votre mère se lamente de ne pas avoir de petits-enfants et votre grand-mère ne comprend pas que l’objectif de votre vie ne soit pas de trouver un mari.
Vous mangez beaucoup de pâtes.
Quand vous allez au cinéma avec vos amis, ils ne vous laissent plus choisir le film car, la dernière fois, vous les avez embarqués devant un film sélectionné à Cannes et ils se sont ennuyés comme des rats morts pendant 3 heures (oui, un film cannois dure toujours 3 heures). Et vous n’osez pas leur dire que vous vous êtes endormi dès la première demi-heure.
La plupart de vos vêtements ont plus de 15 ans. C’est pas grave, la mode est cyclique.
Vous êtes totalement incompris par votre famille, par vos amis, et même par les producteurs quand arrive le moment où ils doivent vous payer.
Vous qui aimez la solitude (sinon il ne faut pas choisir ce métier), vous êtes obligé de dompter la foule et de parler à des inconnus lors des festivals, projections et autres joyeusetés cinématographiques, histoire de faire évoluer votre net-working.
Vous re-mangez des pâtes.
Tous les mois, vous allez pointer au chômage avec cette même impression fugace mais persistante que vous n’avancez pas et que vous serez chômeur toute votre vie.
Vous restez enfermé des semaines chez vous, obnubilé par un projet, et trouvez 25 messages inquiets sur votre téléphone, de proches qui se demandent si vous n’êtes pas en dépression profonde.
Et en même temps, vous avez une peur bleue que, si un jour il vous arrive un accident, personne ne s’en rende compte.
Vous oubliez de manger. Du coup, vous vous empiffrez de pâtes le soir et prenez rapidement du poids.
Et, en juin, vous êtes déçu de ne pas gagner assez d’argent pour payer des impôts…
Mais, malgré tout ça, malgré le manque d’argent, de soutien, de confiance en vous et de reconnaissance, écrire, c’est le plus beau métier du monde.
Et la difficulté majeure, finalement, c’est de faire accepter à votre entourage que vous êtes heureux et que vous trouvez votre vie merveilleuse.
Je ne contrôle pas grand-chose, je vis au jour le jour et j’ai parfois du mal à payer mes factures mais, pour rien au monde, je n’en changerais.
J’aime ma vie.
J’aime mon métier.