L'écrivain du dimanche

Publié le  14.01.2013

Je suis un écrivain du dimanche. Et encore… À l'instar de tous les écrivains du dimanche, enfin… c'est ce que je me dis pour me consoler entre une série à la télévision (américaine, comme toutes les bonnes séries) ou un épais roman (allemand, comme tous les bons romans épais), à l'instar de tous les écrivains du dimanche, je n'écris pas vraiment le dimanche. En tout cas, pas tous les dimanches. Le dimanche, c'est connu, est le jour idéal pour ne rien faire. Pas tellement pour des raisons bibliques (encore que là, les voix divines n'avaient pas tout à fait tort ; ne rien faire, c'est bon pour la santé) ; mais tout simplement parce qu'il faut bien passer un jour, une fois que les six autres nous ont assené leur lot de choses à faire (c'est bien le sens du mot agenda en latin), une fois que l'on s'est épuisé à penser à tout et à ne rien oublier, y compris en dormant, ça fait du bien, crénom, de se dire qu'il n'y a plus rien faire. Or… c'est à ce moment-là que l'écrivain du dimanche devrait se dire : « Allez ! Au travail ! Faut s'y mettre ! » ? Non mais ! Parfaitement impensable. Quiconque, parmi tous les écrivains du dimanche, a déjà vécu ces affres dominicales ne pourrait ne pas être de l'avis de l'auteur de ces lignes (écrites d'ailleurs un dimanche)… Le luxe, ce serait - c'est ! - parce que même les écrivains du dimanche rêvent de luxe ! - de ne pas « s'y mettre » (à écrire) lorsque le seul moment de la semaine est venu qu'on puisse et qu'on doive donc le faire. Et c'est absolument délicieux alors de se planter devant une série à la télévision (américaine, comme toutes les bonnes séries) ou d'ouvrir un épais roman (allemand, comme tous les bons romans épais) en oubliant que le dimanche et le reste du monde existent. Or, il arrive plus d'un dimanche que l'écrivain du dimanche se rappelle qu'on est dimanche et que l'heure a sonné de secouer sa muse. Aussi, il est des dimanches - plus nombreux qu'on ne le souhaiterait - où l'écrivain du dimanche ouvre son ordinateur, caresse l'écran d'une main accablée, d'un œil légèrement désespéré, et laisse courir ses doigts sur les touches, abandonnant à jamais le farniente délicieux qui lui était pourtant échu… C'est ça ou la mauvaise conscience de ne pas travailler. Parce que le farniente du dimanche, pour l'écrivain du dimanche, ça ne marche que lorsqu'il oublie qu'on est dimanche (ça peut arriver) ou lorsqu'il oublie d'oublier que son travail, son travail du dimanche, l'attend (ça peut aussi arriver). Et c'est comme ça que la littérature, enfin pour une part, s'écrit.

À découvrir aussi

Indignation

  • Fiction
Triste 15 octobre à Rome, malgré le soleil… Cent trente-cinq blessés, plusieurs millions d'euro de dégâts, des arrestations, vingt mètres cubes de pavés récoltés par les services de nettoyage… et la t...

Retour de Brest: l'écho du Comité avec Paola Stévenne

  • Fiction
Si vous voulez rencontrer Sylvain Gire (Arte Radio), Irène Omelianenko (ACR. France Culture), Perrine Kevran (LSD. France Culture), Daniel Mermet (Là-bas si j’y suis), les producteurs des radios assoc...
  • Écrit
femme aux cheveux bouclés avec expression neutre sur le visage

TLRDNPPECS (mourir ou désirer Mars) : texte de Marthe Degaille

  • Fiction
Pour le feuilleton estival de Bela, Marthe Degaille a écrit un texte de science-fiction sur le climat et les dérives du capitalisme.

Deadline

  • Fiction
« Le temps et l’espace réglés d’une mystérieuse cérémonie » Jacques Derrida Passions, l’Offrande oblique.