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Publié le  13.06.2011

Le sanglier a une longue histoire, ce qui ne l'empêche pas de retourner les jardins. Dans la nuit des temps, il supportait la déesse Arduinna, une Diane chasseresse à la mode celte, armée d'un arc et accompagnée d'un chien. Sur qui tirait-elle ? C'est un mystère comme il y en a tant ; disons que ses flèches évitaient les autres sangliers, symboles de force, de guerre et de vie renaissante, sans quoi on ne parlerait pas de la prolifération mondiale de cet animal à poils durs. Sait-on que le sanglier saccage les cultures et autres gazons anglais jusqu'en Chine ? On en a vu en file indienne dans la banlieue de Berlin. Il paraît même que certaines laies s'en prennent aux ronds-points fleuris, mais uniquement dans le sens giratoire. Tout cela prouve que le sanglier à une manière bien à lui de s'imposer à l'homme moderne. Sa hure frappait déjà les boucliers celtes et les pommeaux d'épées ; elle orne encore les linteaux de la noblesse et des chasseurs de trophées poussiéreux ; elle représente l'emblème vert de la province de Luxembourg, des chasseurs ardennais et de la bière enfilée au cours des troisième mi-temps du club de football de Sedan.

Le sanglier des Ardennes est noir comme la forêt du même nom. Et l'Ardennais du Luxembourg ? Il est d'un vert de pull décoloré par une poudre à lessiver et dispose des plus gros pixels en vigueur sur la terre. Notre symbole date de la préhistoire, époque à laquelle les ordinateurs tournaient comme des meules en pierre, sous la conduite de types velus et grognons. C'est d'ailleurs ce qui frappe en premier le voyageur en provenance du Grand-duché : sur l'autoroute vers Arlon, la frontière sitôt franchie, les trous dans l'asphalte wallon et le panneau de l'âge de la pierre, cerné de rouge comme un faire-part d'après chasse et frappé du saint slogan : « une ardeur d'avance ».

Le contraste entre l'image et le slogan suggère que le Luxembourg est une terre remontée du fond des âges en même temps que poussée par un désir sans fin qui rappellerait volontiers Nietsche si celui-ci était venu souper au Pont d'Oye. Ou alors Bill Gates s'il n'avait pas fait inventer des programmes informatiques au goût du jour, de l'avenir et de l'éternité.

Le plus gros sanglier des Ardennes est en acier trempé et borne l'autoroute de Charleville à Reims. Il s'appelle Woinic et, contrairement à ses congénères qui ont le regard bas, il scrute l'horizon à hauteur de lui-même, c'est-à-dire plus haut que les hommes.

Des âmes sensibles écrasaient une larme au cours de sa traversée des Ardennes sur semi-remorque, escorté par toutes les forces vives du département. Gageons que notre Luxembourg aurait à s'inspirer, pour une fois, de la fierté française, manière d'ériger aux marches de son territoire des totems sculptés par nos meilleurs artistes ou, à défaut, des mâts de cocagne  auxquels seraient suspendus des noix de jambon d'Ardenne.

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