Muses - « La flèche »

Publié le  27.02.2014

Dans le fauteuil rouge, pendant que l’ombre s’étend, elle a penché son visage en arrière. Il n’y a aucune trace de peur dans son regard, juste le cercle étroit du souvenir ; une simple flèche y est fichée.

Tout est composé autour de nous pour passer comme un fluide, sans un retour en arrière sur les amours et sur les rêves. Tout est rapide, menaçant. C’est une chasse à courre, les futaies sont hâtivement peintes, les cavaliers respirent à peine, la voix des chiens cognent dans les micros.

Je viens vers elle, par le chemin le plus court, entre les tasses et les écrans. Elle sourit. Elle est en plein dans la mémoire à présent. Elle tient une clé. Elle monte. La cabine est étroite. Elle serre ses sacs avec ses genoux. Elle a lu tous les noms. Aucun n’avait le bon code. C’était juste du noir sur du blanc.

La vie est un livre. Non. La vie est un message lu hâtivement. La porte cogne. Elle découvre les chaussettes roulées, les appareils branchés, les photos, les torsades, les odeurs. Elle furète. Tout est truqué, truqué.

Elle retourne les draps, rince les assiettes, glisse les abeilles dans les rayons. Elle dort. Elle marche. Elle parle. Elle a la clé. Elle monte. Elle descend.

Elle sait déjà que la porte va s’ouvrir, que les yeux seront gris, que le torse sera nu, que le rose montera à son visage, qu’elle sera folle mais qu’elle sera vivante, si vivante. Elle a signé la ville avec son histoire. Rien d‘autre ne compte à présent.

Je prends une photo d’elle. La flèche perdue tombe à nos pieds.

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