"Mon cher Mécène..."

Publié le  11.02.2013

Être un écrivain du dimanche, c'est donc fastidieux - parce que le dimanche, en perdant de cette saveur délicieusement surannée (les cloches qui sonnent… les croissants… les balades en forêt…), perd tout son sens. Travailler de la plume ? C'est terrible - parce qu'il faut sans cesse battre des ailes pour espérer tenir son vol et éviter la terrible chute. Que reste-t-il alors ? Je vous le donne en mille ! Reste… le mécénat ! Génial, le mécénat ! Vive Mécène ! Mécène ? C'est une sorte de super-héro des arts et des lettres. Mécène… C'est au fond le type qui résout tout ; le type qui vous fait voir la vie en rose quand bien même tout serait gris ; le type qui, en vous fourrant le pain en bouche et en éliminant d'un coup de chèque magique la question de la subsistance, vous ôte toute angoisse de l'avenir ; le type qui, en vous jugeant digne de ses riches deniers, vous ennoblit et fait de vous un pur sujet de création. Or, n'allez pas croire les mauvaises langues, dont la perfidie n'a pas d'égale : vivre aux dépens de Mécène ne fait pas de vous pour autant un agent du pouvoir impérial. Avec les sous de Mécène, faudrait-il donc dire adieu à l'indépendance ? Rien n'est moins sûr, rien n'est moins vrai. Car le vrai Mécène, le Mécène dont le nom signifie bien Mécène, celui-là ne passe pas son temps à mettre au pas les artistes qu'il prend la peine d'entretenir ; c'est justement ce qui fait la différence avec la propagande ou la prostitution. Honorer l'art revient à lui laisser toute liberté - y compris celle… Celle de ne rien faire ! De ne rien faire en attendant que ça se fasse un jour ! Mais oui ! Le mécénat, c'est ça ! Ça ne peut être que ça ! Dépenser sans compter ni rien escompter ! Le mécénat ou la vraie noblesse… Aussi, rien à voir avec les « commandes » (non mais ! quel nom ! quand on y pense…), rien à voir avec les œuvres de « circonstances » (comme nom, voilà qui ne vaut guère mieux…), rien à voir non plus avec cette espèce d'aumône améliorée dont tel ou tel 'sinistère' est le triste bâilleur de fonds (« Monsieur le 'Sinistre', merci encore pour l'obole… »). Ça doit être dur quand même, cette vraie noblesse ! Payer en espérant un jour un petit poème en retour ! Quelle confiance ! Quelle foi en l'art ! C'est merveilleux. Encore faut-il en trouver un, de Mécène… Mais bon, avec un brin de persévérance, il doit y avoir moyen. Faut juste un peu chercher, fouiller dans les coins, mettre - pourquoi pas ? - une petite annonce, du genre : « Mon cher Mécène, je vous attends. N'hésitez pas à m'appeler, même le dimanche. Je suis là ! Voici mon numéro… » (Surtout ! surtout ! ne pas oublier de payer ma facture de téléphone !)

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