Muses - « Le fils »

Publié le  27.02.2014

Toujours souriant, surgissant du temps, la fermeture du blouson relevée en visière, il était là, à l’heure dite, malgré les chiffres et malgré le vent.

Les circonstances qui lui auraient fait manquer le train n’existaient pas. Il avait enjambé les barrières, attrapé l’autocar, écarté la buée avec un angle du coude, déjoué les complications du paysage. Il avait desserré le bracelet de sa montre, deux heures durant.

Il avait un carnet dans sa poche. Il n’y touchait pas. Il avait une photo dans sa poche. Il la laissait respirer. La joie, ce jour-là, avait pris la forme d’un visage, dessiné dans l’île, un matin, sur la table de la cuisine, avec le matériel de l’abondance et de l’exil. Il avait les yeux fermés. Il pouvait écrire à présent.

Il filait les phrases à travers la campagne rapide. Il entendait craquer les fibres de la forêt de flammes sous les bottes du garde-forestier. Il prendrait un jour sa suite, dans d’autres forêts. Le tapis de feuillages, le bois sec, la saison épinglée aux quatre branches de l’hiver, étaient les instruments de son écritoire. Il serait un jour un écrivain doué pour les signes, il n’aurait pas besoin de boussole pour circuler dans la forêt des mots.

Il entendait la longue plainte du cerf traqué, le gel du lièvre et du renard, il sentait une accélération du sang. Le trajet touchait à son terme, le train commençait à gronder. Un autre voyage commençait.

Toujours souriant, surgissant du temps, il a fait coulisser le curseur du blouson.

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