Penser
C'est toujours difficile de savoir ce qui nous pousse à écrire. La notion de « nécessité » est tentante mais dangereuse . Car lorsqu'écrivant nous nous demandons pourquoi nous écrivons, nous n'écrivons plus que pour nous-mêmes. Et le résultat n'en devient que plus anecdotique.
Pour éviter cet écueil et les affres psychologiques qui y sont liés, je préfère envisager l'écriture comme une mise en forme de la pensée. Oui, pour moi, la littérature (puisqu'il s'agit bien d'écriture fictionnelle dont je parle) est une pensée mise en mouvements.
Ce qui est à l'oeuvre, lorsque j'aborde un poème, une nouvelle, c'est la transposition sensible de plusieurs éléments de réalité, qui s'affrontent, ou s'amplifient l'un l'autre et auxquels le texte offre un écrin.
La structure d'un texte est avant tout une ligne temporelle qui permet à cette pensée de se déployer. Et la trame fictionnelle (fut-elle aussi évanescente que celle d'un poème) cohabite voire épouse les lignes de cette structure afin de donner au texte terminé des qualités d'autonomie.
Le métabolisme ainsi créé (en simplifiant : pensée + histoire) étant la somme augmentée d'une réalité sensible et d'une construction imaginaire, échappe à celui qui l'a écrit. Tout était prédit et rien ne s'est passé comme prévu puisque les contingences du déroulement ont dévoyé l'idée de départ. Idée qui ne peut devenir littérature qu'une fois essorée par les méandres de la pensée, toujours balbutiante et fragile.
En d'autres termes, un texte ne dit rien. Il ne peut rien dire. Pour qu'un texte fonctionne, il faut qu'il se tienne sans que nous puissions le réduire à ses fondements. Il faut qu'il pense, à travers nous qui le lisons.