Quand l’Esprit envahit l’Espace, et le crée

Publié le  28.03.2011

Marie Etienne, à laquelle un colloque est dédié début avril à Montpellier, devient la secrétaire générale d'Antoine Vitez, au tournant des années 1970-1980. Moment essentiel puisque le metteur en scène français passe alors du Théâtre des Quartiers d'Ivry au Théâtre national de Chaillot. De ces années fécondes, Marie Etienne a rendu compte dans Antoine Vitez, le roman du théâtre (Balland, 2000). Elle l'a fait dans un beau mouvement de navette entre les processus créateurs du dramaturge - qui était aussi poète - et les siens propres.

Scène et langue mûrissent ainsi l'amble comme rarement dans ce qui n'était pas encore la postmodernité, cette Forme du néo-libéralisme triomphal. À la consommation à outrance comme à l'individualisme infantilisant, Vitez oppose l'enfance du Jeu et la Cité du Théâtre. A l'unanimisme cher à Vilar, il préfère donc le « différent simultané ».

Vitez qui est par ailleurs convaincu que l'on va assister en peinture au retour à la figuration - une figuration certes différente de celle qu'on avait connue dans la grande peinture classique née de la Renaissance - insiste donc sur l'importance des répétitions. N'est-ce pas le moment « que l'on donne entre soi, devant des spectateurs qui n'en sont pas vraiment, qui jouent aussi » ?

La modernité en somme, au-delà de ses avatars ésotérisants ou autodestructeurs.

(Re)lire aujourd'hui les pages de Marie Etienne sur cette aventure théâtrale menée avec la promptitude des cavaliers numides ouvre de belles interrogations sur le processus créateur et son rapport à la Cité. « La Règle et le Siècle », dit un moment Vitez, lui qui estime que le Néron de Racine dans Britannicus a un secret : il n'éprouve rien. Il en a un autre : « le vide en lui, occupe tout ».

L'Espace vivace n'est peut-être pas le plan mondialisé de la globalisation ; ni l'Esprit, l'équivalent de l'abstraction qui y préside. Ceux-ci peuvent rendre possibles mille et une inventions, souvent ingénieuses au demeurant. Peuvent-elles pour autant permettre la création ? C'est-à-dire à ce qui renouvelle et conduit au changement comme à la réflexion.

C'est par cette question que je voudrais commencer mes chroniques.

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