Un K-Way
Le k-way est le contraire de la caravane hollandaise. D'abord, le k-way ressemble à une tente. Ensuite, il promène ses coloris sur les chemins de campagne. Enfin, il ne se tortille pas sur les autoroutes. Ou alors, par temps de brouillard, ou de pluie si intense que chaque gouttelette devient une averse. Un torrent. Un déluge qui détrempe la carte et dérange la boussole.
Un matin, le citadin ne quitte pas son domicile, mais un gîte rural. Il n'emprunte pas la rue Danton jusqu'à la station Saint-Michel, mais une bordure de ruisseau jusqu'à un champignon qu'il croit de Paris.
Le dôme dresse sa blancheur minuscule au pied d'une clairière, et s'observe, un genou dans l'humus, sous le goutte-à-goutte d'un feuillu. C'est un prélude musical, et que scande la toile rouge du k-way ; en contrepoint, le bleu de madame pianote, le jaune du gamin tambourine, le rose de fifille tend sa harpe aux trombes qui détrempent l'orchestre de fortune.
Le k-way trouve son sens en automne, et toutes les autres saisons au nord de la Loire, où la pluie sévit deux jours sur trois.
Les sources du déluge justifient la vie à la campagne, et la sortie du k-way hors de sa poche kangourou.
Quand le vent se lève, et le grésil ou la neige, son textile lance une mélodie frottée, claque comme un drapeau dans le dos des gens gonflés à l'hélium.
Il joue à la cigale enrhumée dans les contrées où se perdre dans la joie de marcher.
Ciel moite, plaine détrempée, sentiers tartinés de boue : le k-way est le blason du masochiste météorologique :
Pluie : « Une machine à coudre me perfore les joues, c'est déjà bon. »
Orage : « Un fouet d'argent me tranche l'oreille, c'est bien meilleur.»
Neige : « Les talons plantent leurs aiguilles sous mes cils écarquillés, c'est l'heure exquise. »