Un séjour à Anvers #5 : Vrijdagmarkt
A la terrasse du café « In de roscam »
sur le Vrijdagmarkt.
Dave Sinardet
je vois souvent sa photo
et je lis ses analyses politiques
dans les journaux
on dirait un étudiant élégant
avec son teint juvénile
son air sérieux
et ses lunettes
de beau-fils idéal
« ne pas déranger »
je reconnais ce message implicite
posé sur le visage des penseurs
qui travaillent dans les cafés tranquilles
je n'irai pas le saluer
par respect pour la page sous sa main
mais je me sens honorée
d'avoir bu un thé en sa compagnie (si je puis dire)
à la terrasse d'« In de roscam »
là où il y a deux jours je regardais
en buvant un autre thé
le peuple d'Anvers faire cercle
autour de vendeurs aux enchères
à la carrure de dockers
à la voix éraillée et sauvage
« cinquante ours en peluche, dix nains de jardin, une armoire (années 50), trois sèche-cheveux, un plâtre d'Académie (tête de jeune paysanne), un « tableau impressionniste » (représentant une ferme flamande), un vélo (sans selle), un autre vélo(sans phare), un vase de porcelaine tricolore, une peau de mouton, quinze bustes de mannequins en polyester, un bateau dans une bouteille, un oiseau taillé dans la défense d'un éléphant, une parure de faux diamants, trois lustres (dits) de Venise, une chaise « de style »,
et ce stock de dix-huit cartons contenant des masques relaxant pour les yeux… »
les jeunes penseurs vous rendent espoir
autant que la foule éternelle
plongée dans les plaisirs de l'enchère
il y a quelque chose d'un jeu paisible
dans le fait de s'emparer des vieux mots de la politique
ou des vieux objets du quotidien
et de les remettre au goût du jour
comme si les choses et les mots
choisis avec soin et cœur
vous revitalisaient aussi sûrement
qu'un masque relaxant pour les yeux
ou qu'un thé bu au Vrijdagmarkt
un beau dimanche.