Connais toi toi-même
« Connais-toi toi-même ». Si ce précepte socratique est important dans la vie, il l’est tout autant dans l’écriture cinématographique. En effet, connaître ses failles, ses blessures intérieures ou ses espoirs inconscients permet de les dépasser pour les rendre universels, et donc pouvoir les partager.
J’ai eu la chance, il y a quelques années, de faire une master class en écriture télévisuelle. J’avais un projet de série sur la création d’un soap (style Les Feux de l’Amour). On y trouvait un vieux producteur qui ne comprenait rien à rien mais voulait tout contrôler, un réalisateur déchu qui était tellement drogué qu’il avait été banni des plateaux de cinéma, une actrice incompétente et égocentrique et, au milieu de tout ce foutoir, une scénariste paumée et mal dans sa peau qui tentait tant bien que mal de maintenir le navire. (Je sais, ça ressemble à 30 Rock, mais, je vous assure, j’ai eu l’idée AVANT !)
Bref, j’étais bloquée sur les intentions de mes personnages. Mon professeur, qui me pressait de questions auxquelles je répondais maladroitement, s’est un jour exclamé : « en fait, ce n’est pas une série sur la télévision, mais sur la famille ! » Je suis restée bouche bée un bon moment car je savais au plus profond de moi qu’il avait raison. Et tout s’est débloqué.
En analysant mes autres écrits, j’ai réalisé que peu importe le milieu décrit, les liens entre mes personnages représentent toujours les relations conflictuelles que l’on peut connaître en famille.
Cela m’a permis non seulement d’améliorer mes écrits, mais aussi de comprendre à quel point j’étais prisonnière de mon passé et de mon image, ce que j’ai pu régler et dépasser.
Car reconnaître ses failles et ses souffrances, c’est aussi reconnaître sa part de responsabilité. Et en accepter les conséquences, sur son propre fonctionnement, qu’il s’agisse de qualités, de défauts, de peurs ou d’espérances.
Du coup, les écrits deviennent plus « objectifs », les personnages davantage pluridimensionnels au lieu d’être simplement bon ou mauvais, et, surtout, ça évite de tomber dans une sorte de moralisation à outrance, seul moyen parfois pour le scénariste de s’exprimer et de se sentir écouté.
Beaucoup d’artistes font des psychanalyses. Cela signifie-t-il que les artistes ont plus de problèmes à régler ? Absolument pas. Seulement, nous sommes obligés de faire face à nous-mêmes pour travailler correctement. Nous nous posons beaucoup de questions sur le sens des choses, sur notre place en tant qu’être humain, sur ce que nous pouvons apporter au monde. Et c’est tant mieux !