Reporter et réalisateur autodidacte, Colin Horenbeek compile les mots clés femmes/écriture/ville pour son premier défi radio plutôt remarqué : la série documentaire de podcasts « La plume et le pavé » est nominée pour le Prix du public du Brussels Podcast Festival 2021.
L'occasion pour la journaliste Milady Renoir d'aller à sa rencontre afin de faire le point sur son parcours créatif et citoyen.
Colin Horenbeek est géopolitologue, un métier qui arpente les notions de territoires. Son regard s’appuie sur les tensions entre géographie et politique, lesquelles sont une possible lecture des 4 épisodes de la série « La plume et le pavé » qu’il a réalisé pour la plateforme GéopolisCentre d’exposition de photo-journalisme centré sur le partage de connaissances et l’éducation populaire. Bruxelles avec le soutien d’Euradio Bruxelles. À partir du travail d’Audrey Lasserre, historienne du littéraire, du féminisme et des études de genre, Colin plonge dans une Bruxelles viscérale et en mouvement.
Au XIXe siècle, à Bruxelles, tout est fait pour maintenir
les femmes à l’intérieur, l’extérieur leur est très peu accessible,
si ce n’est que quelques lieux précis ; le bal, le concert, l’église, […]
et de ce manque de liberté, les femmes de la bourgeoisie
se mettent à inventer des scénarios possibles, […]
l’espace littéraire est libérateur.
– Laurence BrogniezProfesseure de littérature française du XIXe siècle et de littérature comparée à l’Université libre de Bruxelles.
Colin aime entendre des voix. Chez lui, la radio est allumée une bonne partie de la journée. Il considère la radio comme un canal d’information privilégié qui échappe, en partie, aux logiques commerciales. Elle est une chambre d’écho artistique, culturelle, intimiste. Les ondes de Radio Panik, Radio Nova, France Culture ou des podcasts BBC radio sont ses matières régulières. Colin affectionne particulièrement « Par Ouï-dire » de Pascale Tison sur La Première (RTBF) et les créations soutenues par l’ACSRAtelier de création sonore et radiophonique..
Depuis des siècles, elles sont là mais on les oublie,
y a toute une histoire des femmes qu’on doit se réapproprier […].
Qui est-ce qu’on veut garder dans la mémoire collective ?
L’état des lieux est qu’il y a très peu de femmes dans les noms de rues,
encore moins de femmes racisées.
– Collective Noms Peut-être
Ses études en géographie humaine lui ouvrent les yeux sur les inégalités toponymiques de la ville. Le travail d’Audrey Lasserre lui apparaît comme un vecteur de conscientisation et d’émancipation pour les femmes victimes d’un accès inégal à la ville, sa mémoire et ses espaces. « L’écriture peut jouer le rôle de catharsis, de tribune publique, ou encore de catalyseur de mobilisation et dans cette optique, la plume et le pavé permet de mettre à jour les inégalités par le prisme de la littérature », Colin s’en empare comme médium pluriel et scénarise 4 territoires : le contexte historique de la littérature comme vecteur de liberté pour les femmes, l’inscription spatiale de la mémoire des écrivaines en ville, le slam et les scènes ouvertes du Théâtre de la Vie, et la librairie Tulitu, ressource de littératures féministes.
J’ai vu plein de femmes monter sur scène, les scènes ouvertes sont un endroit où les femmes peuvent lâcher la parole, sans être mal vues, au contraire, en étant soutenues.
– Zouz du collectif Slameke
Colin se dit féministe, et c’est, conduit par sa sensibilité aux inégalités entre hommes et femmes, qu’il a pu interviewer les interlocutrices sur leurs connaissances/expériences/luttes. Colin prend sa parole d’homme pour accoter les droits des femmes : « Réaliser cette série, c’était l’opportunité de valoriser des expériences féministes d’inspiration littéraire à la croisée de l’intime et du politique, et de faire la part belle à la diversité d’approche sans tomber dans la classification ou la compétition. » La parole de femmes singulières et combatives ainsi relayées, leurs voix, leurs valeurs deviennent des modèles de puissance et résistance.
Aujourd’hui, les femmes ont besoin de s’ancrer (s’encrer ?) dans le sens mettre les pieds au sol, elles se disent : je mérite la place que j’ai là, et l’écriture, l’utilisation de l’encre y contribue.
– Élise de Tulitu
Ses projets en cours concernent l’art dans les espaces publics bruxellois − grâce à des rencontres faites pendant la réalisation de la série − et la disparition des usines métallurgiques sur le sillon industriel wallon, dans une démarche plus personnelle, pour rendre hommage à un ancien ouvrier des forges de Clabecq, aujourd’hui décédé. Dans l’attente de trouver des moyens et des espaces pour se familiariser avec de nouvelles techniques de prise de son et de montage, Colin projette de mettre en place des styles narratifs, plus immersifs dans le cadre de projets sonores à venir : « L’expérience et le sentiment prennent une place intéressante dans la culture podcast. Ils font de la création radio un support sensible et personnel. »