Un nouvel outil pour une meilleure visibilité des femmes et minorités de genre dans l’industrie cinématographique belge francophone.
Née en juin 2017, Elles* Font Des Films est une association de professionnelles de l'audiovisuel en Belgique francophone. Elle compte aujourd’hui près de 200 membres et inclut toute personne s’identifiant en tant que femme, non-binaire et/ou toute minorité de genre.
Résultat de l’alliance de réalisatrices, techniciennes, productrices, programmatrices, distributrices et d’autres professionnelles de l’industrie audiovisuelle, Elles* Font des Films milite pour l’arrêt du sexisme dans les œuvres cinématographiques ainsi qu’à toutes les étapes de création : écriture, développement, production, diffusion, exploitation. Ses membres œuvrent à un cinéma qui donne voix et voie aux femmes et à toutes les personnes minorisées. Un cinéma d’émancipation qui déploie de nouveaux imaginaires et récits, et laisse place à d’autres manières de les produire (extrait du manifeste à découvrir sur leur site).
Afin de lutter contre le sentiment d’invisibilisation, le collectif développe des outils et actions concrètes : publications, formations, réunions, cellules d’écoute… Le tout dans un dialogue constant avec les pouvoirs publics sur les mesures à mettre en place.
L'étude Chiffrée
C’est dans ce cadre qu’Elles* font des films a initié la plus grande étude genrée menée à ce jour sur le territoire : Devant et derrière la caméra, elles font des films, la première étude des productions audiovisuelles belges francophones sur une décennie. Cette étude a été menée par un groupe de membres de l’association (Alexandra Biquet, Sarah Carlot-Jaber, Pauline David, Anne-Françoise Leleux, Geneviève Mersch, Raquel Morte) sous la direction de la chercheuse Sarah Sepulchre en partenariat avec l’ARFF, la SACD/Scam, Le p’tit ciné, Paye Ton Tournage et les festivals de cinéma Elles Tournent et Graines de Cinéastes, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Cette étude s’inscrit dans la continuité d’avancées internationales et propose une base statistique sur un temps long, qu’il conviendra d’alimenter et de mettre à jour d’année en année. Elle s’attache notamment à la progression des carrières, à la corrélation entre le genre des cinéastes et leurs équipes et à la mise en scène de nos diversités sociales à l’écran. Elle est accompagnée également de propositions de mesures concrètes.
Conclusions principales de l’étude
Les réalisatrices sont à la tête de 36% des films d’initiative belge francophone soutenus en production par le CCA entre 2012 et 2020 (394 films analysés). Elles réalisent seulement 21% des long-métrages de fiction d’initiative belge francophone soutenus en production par le CCA (70 films analysés). Pour l’immense majorité, elles sont cantonnées au 1er et 2ème film.
L’étude de 23 postes clés de la production d’un film montre une polarisation genrée des métiers du cinéma. Les techniciennes sont très majoritairement représentées dans les métiers “dits féminins” (maquillage, scripte, costumes). Leur nombre chute rapidement pour les autres postes : en long métrage de fiction, pour 16 postes sur 23, le pourcentage de femmes tombe même en dessous de 30%. Les directrices de la photographie sont présentes sur 12 films. En majorité, elles sont cantonnées aux 1ers et 2èmes films.
En documentaire, les réalisatrices représentent près de 45% de la production. L’analyse des données des films documentaires est implacable : lorsqu’il y a une femme aux manettes, il y a davantage de femmes dans l’équipe. Et pour 11 postes clés sur 23, elles représentent plus de 30% de la profession.
Le cinéma est l’autoroute des stéréotypes. Il modélise les imaginaires, ce qui lui confère une importante responsabilité. En tant que dispositif de représentations, il est urgent que le cinéma soit plus représentatif de notre société. Aujourd’hui, trop de personnages et récits demeurent encore dans l’angle mort. De cette façon le “neutre social” qui se dégage de l’étude est le personnage d’un homme cisgenre à 59,1%, blanc à 83,8%, hétérosexuel à 74,3%, sans religion apparente à 74,4%, en bonne santé à 74,1%, issu de classes populaires à 42,4% et de corpulence mince ou poids moyen à 82,3%. Ce personnage a entre 31 et 45 ans à 35%.
Quelques chiffres
Sur 216 long métrages de fiction passés par les Magritte du Cinéma entre 2011 et 2022 :
- Les femmes sont les héroïnes de 40% des longs métrages de fiction contre 59,1% pour les hommes et 0,9% pour les personnes trans ou non binaires.
- Ces héroïnes sont à 80% de type caucasien (contre 84% pour les hommes).
- Elles sont à 11% perçues par les encodeurs et encodeuses comme d’origine arabe.
- 4% des héroïnes de fiction sont noires de peau.
- Elles ont souvent entre 18 et 45 ans (près de 70%), et sont proportionnellement plus jeunes que les hommes (trois fois plus d’hommes parmi les personnages de plus de 46 ans).
- Elles sont minces ou très minces (à 67%), proportionnellement plus que les hommes en tout cas (il y a 4 fois plus d’hommes que de femmes en surpoids parmi les personnages principaux).
- Les héros et héroïnes sont globalement en bonne santé (à 75%). Les femmes souffrent davantage de troubles mentaux (15% contre 9%), mais moins d’addiction (3% contre 9%).
Sur les 23 postes clés des films produits en Belgique francophone, le pourcentage de femmes engagées est seulement de 28%. Elles représentent :
- 34,36% des réalisateur·rices
- 31,11% des scénaristes
- 16,5% des chef·fe·s opérat·eur·rices
- 7,38 % des compositeur·rices musicales
Les conclusions de l’étude ont été présentées lors d’un événement public en juin 2023. L’étude complète est disponible sur le site du collectif : http://ellesfontdesfilms.be/ressources/655/
LE GENERIQUE
Au-delà du constat, Elles* Font Des Films s’est mis à la recherche de solutions. En collaboration avec Elles Tournent, le collectif lance aujourd’hui Le Générique : le répertoire trilingue et inclusif du Cinéma et de l'Audiovisuel belge, soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Son objectif est d’accélérer le changement dans l’industrie audiovisuelle belge en proposant la mise en relation des professionnel-les du secteur pour former des équipes plus inclusives et diversifiées. Ce que l’on change derrière la caméra influence ce que nous voyons à l’écran. En luttant contre les discriminations de genre et le déterminisme qui en découle, le Générique vise ainsi à favoriser une diversité de personnages et de récits.
Le Générique est un projet soutenu par plusieurs associations, collectifs et festivals : Le Collectif 50/50, Le Prix Agnès, l’ARRF, l’ASA, Bela, le CBA, le Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Cinergie, Cinevox, le CVB, Comedien.be, Genres d’à côté / Pink Screens, Genres média, Graines de cinéastes, le Gsara, le collectif Hors Champ, Hub Brussels, Ielles son, le Lab Femmes de cinéma, Le P’tit ciné / En ville, Mediarte, Paye ton tournage, la Sabam, la SACD, la Scam, Screen Brussels, System D Festival, Swan Association, l’Union des artistes, l’UPFF.
En pratique
Qui peut s’inscrire au Générique ?
Les femmes (toute personne s’identifiant en tant que femme), les personnes non-binaires et les personnes transgenre travaillant dans le cinéma et l'audiovisuel et résidant en Belgique.
Afin de permettre au plus grand nombre d’élargir son réseau professionnel, les étudiant·es et personnes débutant dans le secteur sont également les bienvenu·e·x·s.
Qui peut consulter les profils ?
Les profils et les données de contact que les inscrit-es choisissent de renseigner sont publiques. Toute personne ayant accès au site peut les consulter.
Quels sont les critères de modération ?
Les nouveaux profils sont examinés afin de s'assurer que la filmographie renseignée est correcte. Ceci permet d’assurer que Le Générique soit un outil vivant et efficace.
Comment faire pour contacter un·x·e membre ?
Les coordonnées sont accessibles en cliquant sur le bouton “Contact”. Elles* Font Des Films et Elles Tournent prônent un usage raisonnable du Générique et la bienveillance entre ses membres. Toute personne qui l’utilise s’engage à en respecter le fonctionnement. L’équipe du Générique n’est pas responsable de tout écart, abus ou prise de contact excessive
Peut-on supprimer son profil ?
Il est possible à tout moment de retirer son profil du Générique. Il suffit pour cela de se rendre dans son espace personnel. Le profil sera automatiquement rendu invisible, avec une période de rétractation de 15 jours. Passé ce délai, les données seront effacées de la base de données.
FAQ complet à retrouver sur le site.
Plus d’informations : www.legenerique.be
Contact : hello@legenerique.be
Rédaction : Elli Mastorou
Illustrations : Manon Brûlé