Dernier billet
Un dernier billet avant de se quitter. Flou sans doute. Oui, déjà l'image se floute, zoom arrière, je repars à mes eaux vives ou marécageuse, je pars la première. Je suis en train de partir. En général il me faut des mois pour trouver la fin dont je serai satisfaite. Je n'ai jamais compris pourquoi finir un texte était si difficile. La dernière scène, la dernière phrase, le dernier mot. Qui va l'avoir, le recevoir ? Maintenant que le temps de bander l'arc a été pris, que la flèche est là, comment atteindre au mieux la cible ? L'écriture s'étire entre le jeu et le labeur. Quand le labeur est trop présent je m'entends dire que c'est la toute dernière fois que j'écris, qu'on ne m'y reprendra pas. J'ai pensé ça des milliers de fois. Pourtant, jusqu'ici, j'ai toujours recommencé. Le jour où j'aurai le sentiment d'avoir touché le plein cœur de la cible au moment de mettre le point final peut-être que je n'aurai plus envie de recommencer. Alors peut-être qu'il vaut mieux la rater - de grâce juste en partie - ou peut-être aussi que quand le tir est parfait c'est la cible qui se déplace ?
Les verbes finir et recommencer seraient-ils donc si proches ?
J'ai oublié de vous dire aussi ces petites choses. Au bout d'un certain temps en écriture j'ai le cerveau qui passe en mode écologique et qui rejoint le temps naturel de la vie. Et l'horloge qui tic tac dans mon dos souligne ce phénomène. Je m'aperçois du nombre incalculable de mouches et tout petits insectes avec lesquels je partage l'espace. Je vois que les plantes ont soif et que l'arbre du jardin a poussé. Je vois comment souffle le vent et si le chat est en train de faire un mauvais rêve. Tout cela qui, si je sors de ce lieu d'écriture, continuera sa vie sans moi. Et les mouches et les chats et le temps qui tique son tac tac plus fort que tout.
Je vous l'avais dit, pour ce dernier billet je vois flou. Je vous laisse là. Le chat dort tranquillement. Le vent est doux. Les mots sont ce que j'ai de plus précieux.
Je vais aller voir ailleurs si j'y suis.