Dimanches

Publié le  10.06.2011

Le dimanche est la journée mélancolique par excellence. Et un dimanche de pluie est particulièrement mou, morne, mortel.
 
Ce qu'on éprouve certains dimanches en fin de la matinée : l'angoisse, l'ennui, le découragement, n'est pas personnel, ni lié à ses propres tourments. C'est une réalité technique, située dans le ventre du dimanche et non dans notre plexus.

 

Les dimanches se reconnaissent au bruit spécial des rues, au regard un peu perdu des enfants qui tournent en rond. En soi, bien sûr, ce sont des journées emblématiques de ce que nous sommes - comme tous les autres jours. Mais il s'y ajoute une sorte de substance chimique, d'empoisonnement de la volonté, de contamination du dedans par le dehors. Le temps cherche à s'arrêter pour toujours.

 

La vanité de l'expérience de l'aventure humaine se célèbre cinquante-deux fois par an. Cinquante-deux fois par an, toutes nos raisons d'être actifs, heureux ou ardents disparaissent.  Nous restons face à une zébrure dans la vitre : le néant.

 

La façon de lutter contre cette ombre née de l'ombre peut varier. La lecture paresseuse (biographies, récits de voyage) est une des solutions. Une autre est de voir des amis, de vider la bouteille de vin. Ou de faire la sieste quand la lumière est la meilleure -vers 2 heures de l'après-midi. Une autre est de relire le travail de la semaine, en rajoutant une ou deux phrases, sans illusions, sans s'acharner à finir.

 

Parfois, alors, le déclic du dimanche finit par se produire.  L'attente, l'ennui, le vide, à la fin pèsent de leur poids négatif sur le trébuchet de l'esprit, et ça vient.  Tout à coup, ce travail qu'on regardait à travers un brouillard, ce corps qui n'était plus le nôtre, cet esprit qui avait regagné sa tanière, sont là. Le charme, par ses voies invisibles, s'est dissipé.

 

Mais si au dimanche vient s'ajouter la pluie, un tel miracle ne se produira pas.

 

Les dimanches de pluie, je ne touche à rien.  Les dimanches de pluie, je ne suis rien.

 

Je me souviens simplement, comme une vision posthume, que chaque fois que j'ai été amoureux, l'instant le plus magique coïncidait avec le redoublement de la pluie. Alors, le dimanche fouetté devenait, vu du fond d'un lit, une sorte de captation de la lumière, une fête partagée avec la complice du bonheur. Et tout ce qui précède était balayé.

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